"Je photographie la nourriture car c'est un thème universel"

Journaliste et photographe, Christophe Boffoli s'est fait connaître à travers son œuvre "Disparity" alliant de minuscules personnes et des aliments. Il nous explique "Big Appetites", deuxième série de ce travail débuté en 2003. Bon appétit !

"Je photographie la nourriture car c'est un thème universel"
© Christopher Boffoli

Comment est né le projet Big Appetites ?

Big Appetites fait partie d'une série de photos que j'ai commencée en 2003, qui représente de minuscules figurines évoluant dans un décor alimentaire. Ce travail m'a été inspiré par de nombreux films et émissions de télévision de mon enfance qui avaient déjà exploité le contraste entre des gens minuscules et un environnement surdimensionné : Chérie, j'ai rétréci les gosses, Innerspace, la femme qui rétrécit, etc... Il s'agit d'un thème récurrent remontant au 18e siècle que Jonathan Swift avait imaginé avec Les Voyages de Gulliver. J'ai choisi de travailler la nourriture, car c'est un thème accessible à tous, indépendamment de la langue, la nationalité et la culture. Que vous mangiez avec une fourchette, des baguettes ou vos doigts, tout le monde comprendra ce que vous êtes en train de faire. 

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Le photographe Christopher Boffoli © Christopher Boffoli

Quelle est l'idée que vous souhaitez véhiculer ?

Je souhaite avant tout créer un contact avec le public à travers l'humour. Le mélange des échelles est drôle et surprenant. Mais je veux aussi que ces photographies invitent les gens à prendre conscience de problèmes plus graves de l'Amérique du Nord parmi lesquels le consumérisme, l'industrialisation de l'alimentation, l'exagération des portions alimentaires ou encore le comportement passif des consommateurs (aux États-Unis
, nous "consommons" beaucoup d'émissions de télévision et de livres de cuisine, pour autant nous ne cuisions pas plus).

Comment nait un cliché ? Est-ce un aliment qui vous inspire une photo ou avez-vous déjà l'idée en tête avant d'acheter la nourriture ?

Parfois je fais des esquisses d'idées à l'avance. Mais cela peut aussi partir d'une simple liste d'aliments avec lesquels je souhaite travailler. À d'autres moments, j'ai un personnage à l'esprit et je vais le photographier dans une certaine situation. Et d'autres fois, c'est la nourriture elle-même qui détermine toute la conception. 

Je "stylise" les aliments

Combien de temps suppose la prise d'un cliché ?

Il n'y a pas de timing précis. Cela peut être plus ou moins rapide. Comme je ne travaille qu'avec des produits frais et de saison, la première étape commence au marché, où je pars à la recherche des meilleurs aliments. Une fois au studio, je les nettoie, les coupe et les "stylise". Vient ensuite le travail de composition avec les personnages. Cela peut prendre un certain temps car l'idée que j'ai ne fonctionne pas ou est trop difficile à réaliser. Lorsque l'ensemble me convient, j'ajuste mon appareil, règle la luminosité et shoote jusqu'à obtenir un cliché qui me plait. 

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Tondeuse sur un citron © Christopher Boffoli

Avez-vous déjà fait des photos de recettes ?

Si par là vous entendez des aliments que j'ai cuisiné avant de les photographiez, ma réponse est non. Je ne dénature pas les fruits et légumes que je photographie. Non pas que je ne sois pas un passionné de cuisine et de pâtisseries, mais parce que ce n'est pas le sens de mon travail photographique. Ce que je souhaite faire c'est créer une relation entre des personnages et la forme des aliments. 

Quels conseils donneriez-vous à nos internautes pour réussir une jolie photo culinaire ?

La photographie culinaire est plus difficile qu'elle n'y paraît. Je dis toujours dans les interviews que j'ai choisi la nourriture comme sujet, car elle a une belle texture et de superbes couleurs. Mais en vérité, beaucoup d'aliments ne ressortent pas bien lorsqu'ils sont photographiés avec des objectifs macro. Avant de prendre une photo, il ne faut pas hésiter à leur donner un meilleur "look" pour plus les rendre plus "beaux". Je pense aussi que la lumière est très importante et que c'est ce qui pêche souvent dans les photos des gens. Personnellement, je préfère la lumière naturelle. Je l'utilise dès que possible. J'ai de la chance car à Seattle, nous avons une lumière "nuageuse" idéale pour la photographie des aliments. Si je devais ne donner qu'un conseil, ce serait celui-ci : utiliser avec parcimonie la lumière.

Vous avez beaucoup voyager. Quelle cuisine du monde préférez-vous ?

Impossible d'en choisir une, j'aime tout et je me réjouis qu'il existe autant de nourriture différentes ! 

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Un fromage intergalactique © Christopher Boffoli

Avez-vous une recette préférée ?

Oui. Je tiens plusieurs recettes de ma grand-mère italienne. Je ne l'ai pas beaucoup connue car elle est morte lorsque j'étais jeune mais ses recettes sont de véritables trésors dont les parfums permettent de la sentir près de moi.

Un pêché mignon ?

Je pense que, de loin, la crème glacée est mon plaisir coupable.

Une adresse (de restaurant, traiteur...) incontournable ?

J'ai eu la chance de beaucoup voyager à travers le monde. J'ai mangé dans tellement de merveilleux restaurants qu'il m'est difficile d'en choisir un. Mais puisque je suis à Seattle en ce moment, je peux vous parler de mon lieu préféré dans cette ville. Le restaurant s'appelle Bisato. Ce n'est pas seulement le meilleur restaurant de Seattle, c'est aussi l'un des meilleurs des États-Unis. Le chef, Scott Carsberg, est un véritable génie. Il n'est pas très connu parce que son leitmotiv c'est de faire du bon travail sans attirer l'attention. Contrairement à d'autres chefs américains qui se font connaître plus par leur passage à la télévision que par la qualité de leur nourriture. Le chef Carlsberg, lui, officie comme un artiste derrière les fourneaux tous les soirs. Je recommande à toute personne qui vient à Seattle de venir manger au Bisato. Surtout aux Français, qui comprennent la véritable excellence dans la cuisine !

 
 

L'univers de Christopher Boffoli

Journaliste et photographe, Christopher Boffoli a réalisé cette série de photographies alliant de minuscules personnages en plastique et des aliments. Cette œuvre s'appelle "Disparity". Lire