A la découverte de l'empire Giovanni Rana

Le pape des pâtes fraîches nous a reçu à Vérone, dans son usine. Reportage au sein d'une entreprise familiale qui a su faire connaître ses pâtes dans le monde entier.

A la découverte de l'empire Giovanni Rana
© Cécile Debise/Journal des Femmes

Reconnaissez-vous cet homme au sourire jovial qui présente ses pâtes dans des spots publicitaires souvent amusants ? C'est Giovanni Rana, fondateur de la marque éponyme. A la fois fin cuisinier et excellent businessman, il s'est aussi révélé bon acteur. Aujourd'hui, ses pâtes se vendent dans 38 pays et il est l'un des hommes les plus riches d'Italie, avec plus de 500 millions d'euros de chiffre d'affaire annuel. A 80 ans tout juste, le personnage, très respecté, est devenu public. "Après Dieu, il y a moi ! ", s'amuse-t-il même à préciser, non sans humour.

Créée en 1962, la marque de pâtes fraîches incarnée par ce patriarche à l'air bonhomme incarne l'une des belles success stories à l'italienne, souvent issues du milieu de l'agro-alimentaire. Afin d'en savoir plus, l'équipe du Journal des Femmes a pu rencontrer son fondateur et visiter l'usine Rana lors d'un voyage organisé pour les gagnants du concours "A vous de juger" mis en place sur le site Internet de la marque en France et aux Etats-Unis. 200 participants tirés au sort ont ainsi pu profiter d'un weekend à Vérone pour deux personnes, en compagnie de la famille Rana. Un séjour placé sous les auspices de Bacchus, à la gloire de la gastronomie italienne.

A tout succès, sa légende

A San Giovanni Lupatoto, au siège social et site de l'usine historique, Giovanni Rana pose devant la vieille moto avec laquelle il a commencé à livrer ses premières tortellinis artisanales en 1959. Né en 1937, petit boulanger devenu patron d'une entreprise mondiale et figure du capitalisme italien, l'homme apparaît aujourd'hui heureux, sa petite moto devenue un symbole de sa réussite.

C'est en 1968 que sa petite entreprise prend un tournant décisif : à l'aide de techniciens, Giovanni Rana met au point la première machine industrielle capable de reproduire le tour de main nécessaire à la fabrication de tortellinis. Il fait ainsi passer la production de 10 kg de pâtes par jour à 10 kg par heure. Parallèlement à l'amélioration constante de ses machines, l'industriel développe un nouveau type de conditionnement, par injection de CO2 dans les barquettes, capable de prolonger de plusieurs semaines la durée de consommation des pâtes. Rappelons qu'à l'époque, la chaîne du froid en était à ses balbutiements. Sa démarche avant-gardiste va vite payer : à partir des années 1980, les grandes multinationales concurrentes comme Barilla, Buttoni ou Panzani, vont régulièrement tenter de l'acheter, en vain.

Gian Luca Rana coupant une meule de parmesan. © Cécile Debise/Journal des Femmes

Dans les années 1980, un nouveau tournant intervient avec l'arrivée du fils de Giovanni, Gian Luca, à la direction de l'entreprise. Ce dernier entraîne l'entreprise familiale dans une course à l'international, en modifie la structure et fait appel à une agence milanaise pour faire connaître la marque. Banco : aux États-Unis, grâce aux spots publicitaires, les Américains sont séduits et les ventes augmentent de 53 %.

Les années 2000 marquent l'introduction de l'entreprise sur les marchés étrangers : la France, l'Espagne, puis d'autres pays d'Europe, sont investis uns à uns. En 2012, le marché américain est visé avec l'instauration d'une usine de production de pâtes près de Chicago : la deuxième plus grande du monde, après celle de Vérone. Une vingtaine de restaurants ouvrent au Luxembourg, à Londres, Berlin et New York, le prochain étant attendu à Paris. L'entreprise possède aujourd'hui six usines dans le monde et fait travailler 2500 personnes dans 38 pays. 

Des recettes adaptées selon les destinations

Raviolis sucrés frits servis en dessert que l'on ne peut trouver que dans l'un des restaurants Giovanni Rana. © Cécile Debise/Journal des Femmes

L'entreprise Rana réalise systématiquement une étude précise des goûts de ses consommateurs avant de proposer ses produits. Présente en France depuis 1995 où elle est leader depuis 2-3 ans, la marque établit une dizaine de nouvelles recettes par an, testées durant 1 à 3 mois avant d'être mises sur le marché, 300 recettes de farces sont ainsi établies sur-mesure, en fonction des destinations. Des recettes considérées parfois comme étant des "sacrilèges" en Italie, comme les tortellinis à la Bolognaise. Les farces au pesto sont par exemple très appréciées des Français. alors que le pesto n'est utilisé qu'en sauce en Italie... Mamma mia ! C'est Antonella, belle-fille de Giovanni et femme de Gian Luca, qui s'occupe d'adapter la communication à chaque pays, prêtant une grande attention aux retours clients. Une véritable affaire de famille !

 

"Je ne donnerais jamais rien à manger à un invité que je n'aurais donné à ma propre famille " - Giovanni Rana 

Des machines propriétaires

Des raviolis réalisés avec la toute dernière génération de machines Rana. © Giovanni Rana

En créant leurs propres machines, les Rana ont réussi à garder une longueur d'avance sur leurs concurrents. Secret industriel oblige, nous n'aurons pas pu voir de près la toute dernière génération de machines, élaborées il y a un an et demi. Celle-ci permet, nous dit-on, d'augmenter la quantité de farce contenue tout en en réduisant l'épaisseur de la pâte pour laisser apprécier la texture du produit, pouvant désormais contenir des petits morceaux. La difficulté de réaliser une pâte toujours plus fine réside dans le fait qu'elle doit contenir plus de farce, tout restant intacte pendant la cuisson.

Aujourd'hui, les machines sont capables de faire des pâtes épaisses de 0,2 millimètres seulement, mais ces dernières font plutôt 0,6 millimètres, pour éviter une trop grande fragilité. Pour ce faire, Gian est allé visiter une usine de papier de cigarette ainsi qu'une usine de formules 1 (une autre de ses passions) pour étudier le système d'injection et l'adapter au fourrage des raviolis et tortellinis.