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Raymond Michel

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(Crémerie du Lac)
"Le beaufort est le prince des fromages"
Fromager depuis toujours, Raymond Michel fabriquait déjà ses reblochons en culottes courtes. Aujourd'hui, à 60 ans et quasiment autant d'années d'expérience, il est celui que le chef Marc Veyrat a choisi pour fournir ses 3 étoiles en reblochons et autres tommes de Savoie. (Novembre 2004)

Recettes

Depuis combien de temps exercez-vous le métier de fromager ?
Raymond Michel Depuis toujours en fait. Petit, je travaillais déjà avec mon père à la fruitière (petite coopérative de producteurs de lait pour la production du fromage, ndlr). J'ai donc appris dès mon plus jeune âge à faire du reblochon. Il faut dire que j'étais prédestiné : ma famille est dans le fromage depuis quatre générations.

Le célèbre chef Marc Veyrat vous recommande parmi ses bonnes adresses. Quel genre de client est-il ?
Marc est un ami, mais comme tous les grands chefs, il est particulièrement exigeant et attentif à la qualité des produits. C'est d'ailleurs pour ça qu'il vient chez moi depuis bien longtemps. Il sait qu'ici il trouvera toujours d'excellents produits pour les plateaux de fromages qu'il propose à ses clients. C'est un échange de bons procédés, car en retour, sa réputation rejaillit sur mon travail. C'est en partie grâce à ça qu'aujourd'hui, des touristes du monde entier viennent goûter mes reblochons et mes comtés.

Le site de Marc Veyrat

Que pensez-vous de sa cuisine ?
Ce qu'invente Marc est extraordinaire. A ce niveau là, je n'appelle même plus ça de la cuisine mais de l'art. Quand je mange chez lui, j'ai plus l'impression d'aller au musée qu'au restaurant. Et en plus, je sais qu'on y sert toujours de bons fromages (rires).

On a le sentiment que le fromage est un peu le mal-aimé de la création culinaire ?
C'est un peu vrai. Il existe bien quelques recettes avec du fromage dans la cuisine moderne, mais son utilisation n'est pas vraiment répandue. Selon moi, le problème de beaucoup de chefs est que le fromage n'est pas très valorisant pour leur cuisine. Il suffit d'avoir un bon produit et le tour est joué. Pas besoin de beaucoup de créativité pour faire une bonne fondue, ce qui compte c'est avant tout la qualité du fromage que vous utilisez.

Parlons de vos produits justement, à quoi reconnaît-on un bon reblochon par exemple ?
La qualité d'un produit, c'est avant tout visuel. On reconnaît tout de suite un bon reblochon rien qu'à sa couleur jaune orangée, et non pâle comme trop souvent. Ensuite, il doit être bien crémeux, signe d'un affinage lent et naturel. Normalement un bon reblochon doit-être affiné pendant 5 à 6 semaines en cave avant d'être commercialisé. Or, bien souvent, la grande distribution ne respecte pas ces critères, et les reblochons sont vendus trop jeunes et sont stockés en chambre froide. Du coup, quand les gens goûtent mes produits, ils sont surpris qu'ils soient si bons, alors qu'en fin de compte c'est comme ça que tous devraient être.

Comment choisissez-vous vos producteurs ?
Je ne travaille qu'avec des fermiers de confiance, chez qui je me fournis depuis 30 ans pour certains. Je connais leur façon de travailler et l'application qu'ils mettent à l'ouvrage. Après, c'est en fonction de la qualité du lait produit. Ceci dit, même le meilleur des fournisseurs peut de temps en temps avoir une production moins bonne, à cause des intempéries ou de la qualité de l'herbe par exemple.

Les Français aiment-ils toujours autant le fromage ?
Je pense que oui. En tous cas, c'est sûr en ce qui concerne les fromages savoyards, vu le nombre de touristes qui passent ici. On sent qu'en ce moment, les gens aspirent à redécouvrir des produits de terroir. Même s'il est dommage de constater que les jeunes ne font pas forcément partie de ceux-là.

Que faut-il faire pour les convaincre alors ?
C'est une question d'information. Il faut leur faire savoir qu'il existe autre chose que le lait stérilisé, les éduquer, les faire goûter. Cela dit, il est difficile d'apprécier un bon beaufort lorsque depuis tout petit on ne mange que des fromages au goût aseptisé.

Quel est selon vous le caviar du fromage ?
Il va de soi que j'aime tous les fromages. Reblochon, munster, tout ce que vous voulez... Toutefois, avec son petit goût de noisette, je considère vraiment le beaufort comme le prince des fromages. J'en fais d'ailleurs une excellente fondue avec du comté et un bon Apremont.

La plupart des fromages savoyards bénéficient de l'Appellation d'Origine Contrôlée. En quoi est-ce un avantage ?
L'AOC permet de mettre en avant les produits du terroir propres à une région. Certes, c'est contraignant, et il est parfois difficile pour certains producteurs de s'adapter aux critères du cahier des charges. Mais c'est le prix à payer pour sauvegarder la qualité des produits. Sans l'AOC, il y a bien longtemps que l'on ne vendrait plus d'excellents reblochons, au profit de produits dix fois moins chers et moins bons.

Recettes

Certains disent pourtant que les critères imposés par l'AOC dénaturent les produits ?
Il est vrai qu'aujourd'hui, on a dû revoir quelques mesures de production, notamment en matière d'hygiène, qui ont pu faire que parfois certains produits ont perdu un peu de caractère. Mais n'exagérons rien, ces mesures étaient quand même indispensables et c'est sans aucun doute une bonne chose qu'elle aient été appliquées.

Propos recueillis par David Alexandre

La Crémerie du Lac
3 rue du lac,
74 000 Annecy
Tél : 04 50 45 19 31
Fermé le dimanche et le lundi


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