Camembert

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Lactalis, géant laitier français, produit de nombreuses marques de camemberts. Son directeur de la communication, Luc Morelon, explique les paradoxes de ce débat sur le camembert, au nom de la sécurité sanitaire.

 

 

Quelles marques de camemberts sont commercialisées par le groupe Lactalis ?

Nous commercialisons les camemberts Président, Bridel, Le Petit, Lanquetot, Le Châtelain, Jort et Moulin de Carel.

Les camemberts fabriqués par Lactalis sont-ils au lait cru ou au lait thermisé ?

Les camemberts Président, Bridel et Le Châtelain sont au lait pasteurisé. Le Petit et Lanquetot sont fabriqués avec du lait thermisé, et Jort et Moulin de Carel avec du lait cru.

L'INAO refuse de modifier le cahier des charges de l'AOC camembert de Normandie. Lactalis va-t-il renforcer sa demande ?

Oui, bien sûr. C'est l'évolution nécessaire des choses. La sécurité alimentaire reste très importante, c'est que nous voulons mettre en avant. La thermisation est un procédé thermique doux qui maintient la flore du lait. Les caractéristiques organoleptiques restent les mêmes que celles du lait cru.

Ne trouvez-vous pas qu'il y a une perte d'authenticité à vouloir modifier ainsi l'AOC camembert ?

Comme je l'ai dit, il n'y a pas de différence sur le plan organoleptique. Un camembert au lait cru et un camembert au lait thermisé sont comparables. les goûts sont identiques.

Suite à un appel à témoins sur notre site, de nombreux internautes ont fait part de leur mécontentement et de leur déception : ils se sentent trahis par les grandes marques laitières qu'ils appréciaient particulièrement. Qu'avez-vous à leur répondre ?

C'est là une question de perception. Les consommateurs ne sont pas forcément initiés aux problèmes bactériologiques. Des tests, des dégustations à l'aveugle sont effectués dans nos laboratoires et nous sommes sûrs de nous. Nous proposons aux consommateurs des garanties organoleptiques. Il n'y a pas de différence. Nous y faisons vraiment attention. Mais deux émissions télévisées diffusées fin 2007 ont fortement influencé les consommateurs par leur désinformation. Le camembert est un thème mobilisateur et ces émissions ont eu un impact fort.

 

"Il était préférable d'opter pour le lait pasteurisé ou thermisé pour une meilleure conservation"

Depuis quand exactement Lactalis fabrique des camemberts au lait pasteurisé ?

La pasteurisation a été mise au point dans les années soixante, soixante-dix. Aujourd'hui, le camembert au lait cru ne représente que 3 % de la production totale de camemberts. Le camembert est donc depuis un certain temps un produit à base de lait pasteurisé. C'est récemment, début 2007, que nous avons passé les marques Le Petit et Lanquetot au lait thermisé, pour des raisons sanitaires.

Ces marques-là ne sont donc pas des AOC camembert de Normandie ?

Non, effectivement. "Camembert" est un nom générique depuis 1926 quand la cour d'appel d'Orléans a statué sur le terme "camembert" tombé dans le domaine public. Le camembert peut donc être fabriqué hors de Normandie grâce à une norme codex. La dénomination "camembert fabriqué en Normandie" est prévue à cet effet et se distingue de l'AOC camembert de Normandie.

Pour quelles raisons Lactalis fabrique des camemberts pasteurisés ou thermisés ?

À l'origine, c'est parce que le lait cru présente une mauvaise conservation dans la grande distribution. Il était donc préférable d'opter pour le lait pasteurisé ou thermisé pour une meilleure conservation. Il y a aussi une raison de sécurité sanitaire : le camembert est un produit fragile au taux d'humidité élevé. L'eau qu'il contient est active et présente une forte capacité de développement bactérien. La durée d'affinage d'un camembert au lait cru est de 21 jours et seulement d'une dizaine de jours pour un camembert au lait pasteurisé. Les risques batériologiques sont donc moindres.

Ce sont donc pour des raisons sanitaires que les laits pasteurisé et thermisé sont utilisés ?

Oui. Aujourd'hui, le goût et la sensibilité du consommateur ont évolué. Autrefois, les consommateurs étaient habitués à des produits chargés sur le plan bactériologique. C'est moins le cas aujourd'hui, les gens sont plus sensibles. Et les laits qui nous arrivent des laiteries sont différents : ils sont meilleurs et plus propres au niveau bactériologique. Actuellement, les laits contiennent environ 5 000 germes par gramme alors qu'il y a vingt-trente ans, ils en contenaient 200 000 par gramme. Mais, et c'est là tout le paradoxe, un germe pathogène se développera beaucoup plus facilement dans un lait qui est moins riche en bactéries : il aura davantage de place pour se développer.

 

"Les caractéristiques organoleptiques restent les mêmes entre un camembert au lait cru et un autre au lait thermisé "

Consommer du camembert au lait cru entraîne-t-il vraiment un risque ?

Chez les personnes en bonne santé, le risque est limité. Mais le problème est que tout le monde consomme du camembert : les jeunes enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées. C'est cette catégorie de consommateurs qui a entrainé notre décision d'opter pour le lait thermisé. Cette décision a été prise en deux temps. Tout d'abord, à cause de raisons sanitaires et de consommation. Et récemment, Le Petit et Lanquetot sont passés au lait thermisé car des enfants ont été hospitalisés fin 2005 pour insuffisance rénale après avoir consommé des camemberts au lait cru d'une marque concurrente. Dans leur cas, c'est la bactérie Escherichia Coli pathogène qui était en cause.

 

Certains internautes en appellent au libre choix du consommateur, avec une offre "rassurante" au lait thermisé et une offre traditionnelle AOC au lait cru. Lactalis envisage-t-il d'aller dans ce sens ?

C'est déjà ce que nous faisons. Nous avons une offre au lait cru avec les marques Jort et Moulin de Carel. L'AOC a un côté élitiste : ces camemberts coûtent entre 4 et 6 euros. C'est très cher par rapport aux camemberts Le Petit ou Lanquetot qui coûtent environ 2,20 euros. Nous fabriquons 500 à 1000 tonnes de camembert au lait cru par an : nous maîtrisons donc le risque batériologique sur cette petite quantité. Mais à une grande échelle, comme celle de Le Petit, ce serait beaucoup plus difficile et ça coûterait beaucoup plus cher.


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