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Gilles Choukroun

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(Cuisine en liberté)
"En cuisine, il faut faire simple et utiliser de bons produits"
Utilisez les ingrédients que vous aimez et cuisinez-les en suivant vos envies. Tel est le message de Gilles Choukroun, qui prône une cuisine décomplexée. Un seul mot d'ordre : lâchez-vous ! (Octobre 2006)
 

Comment vous êtes devenu chef ? C'est une passion de toujours ?
Gilles Choukroun : Au départ pas vraiment... Plutôt une envie de quitter le système scolaire ; j'étais assez gourmand, donc ce métier s'est vite imposé.

J'ai un gros problème pour ce qui est d'inviter à l'improviste ! Pour moi, il n'est pas de bon repas, qui ne soit pas d'abord pensé, élaboré, des jours, voire des semaines à l'avance... Comment devenir une personne accueillante et toujours disponible ?
Je pense qu'il faut préparer les repas avec la même liberté que pour vous tous les jours... Ajoutez 2 ou 3 ingrédients en passant chez vos commerçants préférés, et laissez aller votre imagination, votre sensibilité, sans vous mettre de pression, et faites-vous d'abord plaisir à vous-même avant de partager avec vos amis.

Afin de realiser une cuisine simple, inventive, quels sont les ingrédients de base que vous nous conseillez d'avoir toujours en réserve ?
Ceux que vous préférez manger ! C'est bête, mais c'est avec ceux-là que l'on est le plus à l'aise...

C'est quoi générations.C ?
Une association qui a d'abord pour but les rencontres et le partage d'une passion commune ; ensuite, c'est une volonté collective d'apporter une nouvelle image de notre métier auprès des jeunes, de leurs parents, et d'apporter aussi de vraies idées de fond sur notre métier aujourd'hui, mais aussi demain....

 

Peut-on faire une cuisine élaborée avec des aliments tout bêtes ?
Bien sûr ; mais "tout bête" ne veut pas dire de mauvaise qualité. Au contraire, il faut cuisiner avec une interprétation très personnelle.

A quoi ressemblent les recettes de votre livre ?
Ce sont plus des pistes que des recettes. J'ai envie que chacun se les approprie, en les intégrant dans son propre univers. Ce sont des idées de tous les jours mais pour des instants et des partages bien distincts.

"Il est important de raconter sa propre histoire en cuisine."

Quand je cuisine au wok, tout attache au fond… Avez-vous un truc pour éviter ça ?
Alors, premièrement, il faut que le wok soit très chaud. Ensuite, y apporter très peu de matière grasse (huile d'olive). L'action en elle-même (cuisiner avec un wok) doit être très rapide, sur feu très vif. C'est vraiment approprié pour des cuissons instantanées.

Vous cuisinez avec les épices ?  
Oui, entre autres... Toutes les épices, de toutes les origines, mais surtout si elles ont une véritable utilité dans la recette en question, jamais gratuitement.

Lorsqu'on n'a pas de vin blanc, peut-on mettre du vin rosé à la place sans que la recette en pâtisse ?
Non, absolument pas, ça n'a rien à voir. Ce sont deux goûts diamétralement opposés et pas simplement deux couleurs. Et si vous n'avez pas de vin blanc, vous pouvez très bien ne pas en mettre et utiliser du bouillon de volaille ou de légumes par exemple.

 

Cuisiner inventif, ça signifie quoi pour vous ?
Pour moi, le plus important est d'être capable de raconter sa propre histoire en cuisine. A partir de là, il y a évidemment une part d'inventivité, mais une fois de plus, qui n'est pas gratuite. Il doit y avoir un véritable engagement personnel dans une cuisine, d'où l'appellation de "cuisine d'auteur" qui je pense aujourd'hui définit parfaitement ce que l'on appelle la "jeune cuisine"...

Y'a-t-il un aliment que vous détestez ?
L'huile de foie de morue et le foie de morue en général.

Comment se lancer dans la cuisine "créative" ?
Le mieux est de bien revenir à cette notion d'appropriation de la cuisine, en ne travaillant que les produits que l'on aime manger et en les préparant de la manière dont on a envie de les manger. Cela paraît peut-être simple, mais ça ne l'est que si l'on arrive à se laisser aller dans la manière dont on pratique la cuisine.

LIVRE
 
Cuisine en liberté. 200 recettes,
éditions Solar Consulter les libraires

Je reçois du monde ce soir. Je voudrais les épater, j'ai prévu de faire un rôti de bœuf. Avez-vous une astuce pour le rendre vraiment original ?
Dans le livre, vous trouverez une idée de rouleau de boeuf : après cuisson, le boeuf est taillé en tranches assez fines, au centre desquelles on peut disposer la garniture prévue, puis les tranches sont roulées sur elles-mêmes et tenues par un pic en bois. La préparation peut se faire un petit peu en amont ; les rouleaux sont réchauffés quelques minutes à l'entrée du four ouvert et arrosés à l'instant d'un jus ou d'une vinaigrette.

Vous préférez cuisiner les plats de résistance ou les desserts ?
Les deux. Tout en sachant que j'ai une approche de la cuisine sucrée (les desserts) identique à celle de ma cuisine salée. Je prépare très rarement des desserts de pâtissiers, c'est pour cette raison que je ne fais aucune différence. Concrètement, si en ce moment je dois cuisiner des clémentines, je le ferai avec une approche de cuisine en assaisonnant les quartiers, avec par exemple des pistaches, de la confiture de roses, du cumin, du poivre et éventuellement une glace au yaourt. De cette façon là, je n'ai pas la sensation de faire de la pâtisserie, et donc mon plaisir est forcément le même, peu importe si je prépare un plat salé ou un dessert.

Mon amie est enceinte est ne mange que de la purée en ce moment ! Comment puis-je agrémenter ce plat banal pour le rendre plus sympa?
Avec l'hiver arrivant, on va pouvoir utiliser tous les vieux légumes extraordinaires en purée : panais, topinambour, potiron, betterave... On parlait d'épices tout à l'heure, on peut marier un légume et une épice (panais et muscade par exemple), avec un filet d'une huile à chaque fois différente (panais avec muscade et huile de noix).

La présentation compte aussi, pour vous ?
Evidemment, mais ce n'est pas l'essentiel. Pour moi, l'essentiel reste les "rapports de goût" qui marquent véritablement une cuisine. Au-delà de ça, évidemment que la présentation doit avoir sa part de gourmandise visuelle.


D'où vous vient votre inspiration culinaire ?
De mon histoire, de mes curiosités, de ma gourmandise. Tout s'est construit tout seul. Je n'ai pas appris cette inspiration, elle s'est faite au fur et à mesure de mon parcours avec un fil rouge qui est mon regard et mon affinité avec la cuisine d'Afrique du nord.


Et la cuisine légère et inventive en même temps, c'est possible ?
Evidemment, ça fait longtemps que cela a été démontré. Quand on parle de cuisine équilibrée et minceur, les gens qui tendent vers ces cuisines peuvent particulièrement se faire plaisir qu'ils soient cuisiniers ou consommateurs.


Comment rattraper à coup sûr une mayonnaise qui ne monte pas ?
Essayez avec un très très fin filet d'eau glacée en incorporant petit à petit l'ensemble de la première mayonnaise.


Pensez-vous à une association avec un designer culinaire par exemple ? Mes deux livres ont été réalisés en collaboration avec le photographe Patrick Aufauvre, lui-même aidé par un styliste culinaire : Wei-Jen Liu. J'ai aimé confier ce travail à quelqu'un qui a amené un regard extérieur sur ma cuisine et qui l'a mise en scène d'une manière très libre. Et finalement, ça m'a permis de voir différemment mes plats, ce qui était très intéressant pour moi.

Que pensez-vous du Michelin et de sa tendance assez claire à favoriser les cadres prestigieux et la cuisine classique et d'origine française (la cuisine ethnique est peu présente dans le guide) ?
Je ne crois pas qu'il favorise les cadres prestigieux. Cela dit, je pense que le guide Michelin aujourd'hui n'est pas une photo instantanée du paysage de la cuisine française tel qu'aujourd'hui on la pratique, et telle que la clientèle dans notre société actuelle souhaite la consommer. Il y a un recalage à faire par rapport à notre époque, de façon à ce qu'un touriste de l'autre bout du monde puisse venir en France et comprendre concrètement le virage qui a déjà été pris dans beaucoup de nos cuisines en France.

 

J'aimerais avoir des idées pour utiliser la ricotta et le mascarpone ?
J'aime bien les utiliser tout simplement sur de fines tranches de pain grillées, nature ou mélangés à quelques condiments, en accompagnement d'entrées ou de plats.


Et si j'ai un plat déjà tout prêt, je peux l'améliorer ? Comment ?
Souvent en apportant un complément d'assaisonnement : quelques gouttes de jus de citron, des herbes fraîches concassées peuvent redonner une "nouvelle vie" à un plat déjà préparé.


Le poisson en papillote, je trouve ça fade. Vous avez une recette qui me le ferait aimer ?
Malheureusement, je n'aime pas la cuisson en papillote car elle ne permet pas de contrôler parfaitement la cuisson du poisson. Mais encore une fois, on parlait d'herbes fraîches, de condiments, ce sont des solutions très simples pour amener du goût dans vos papillotes.
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C'est quoi l'astuce pour faire une bonne sauce d'accompagnement de viande blanche ?
Pourquoi une sauce ? Un filet d'huile d'olive, de la fleur de sel et un peu de piment d'Espelette...

Comment faire pour remplacer des ingrédients par des autres sans se tromper ? Y'a-t-il des remplacements d'aliments connus ?
Faites-le au feeling en fonction de votre sensibilité. Il n'y a aucune règle...

Elle ressemble à quoi, la cuisine de vos restaurants ?
J'espère qu'elle me ressemble : j'essaie de faire en sorte qu'elle soit libre, décomplexée, aboutie et maîtrisée dans ses goûts et ses textures.

 

Gilles Choukroun, merci à vous. Un dernier conseil à nos lecteurs ?
Laissez-vous aller avec votre propre sensibilité au travers d'une cuisine simple avec de bons produits. Vous prendrez petit à petit de plus en plus d'assurance.

 

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