Histoires de thé "Boire du thé m'apaise"
Votre premier souvenir de thé ?
Je me souviens surtout du goût du citron ! Je devais avoir 7-8 ans. Ma grand-mère servait le thé de manière très cérémoniale lorsqu'elle recevait chez elle. La dégustation était élitiste et les tasses en porcelaine avaient sans doute autant d'importance que le thé qu'elles contenaient. Seul point commun avec ce que je fais aujourd'hui : la préparation qui était très soignée, même si le goût du thé était horrible ! Mais cela est à mettre sur le compte d'une méconnaissance du produit.
Votre souvenir le plus marquant autour du thé ?
Je suis incapable d'en extraire un seul ! J'ai fait tellement de rencontre en 25 ans... Il y a tellement de gens que j'apprécie dans les plantations et sur les routes qui y mènent. Tout est marquant !
Pourquoi buvez-vous du thé ?
Je suis nerveux de nature, le thé me calme. A commencer par sa préparation. La vie bouge dans tous les sens, on a besoin de se poser, de prendre le temps pour soi. Lorsque l'on prépare du thé, notre respiration est plus lente. C'est une sorte de yoga. Le thé permet de se concentrer et de se recentrer. C'est une pause que je m'accorde et que je peux également partager. Mon parcours m'ouvre également une autre dimension lors de la dégustation. A chaque thé que je prépare, je sais exactement qui est derrière. Je vois les reflets des montagnes, la brume, les gens que j'ai croisés... Le bonheur est à portée d'eau chaude !
Vos incontournables ?
Heureusement que vous ne me demandez pas mon thé préféré ! Il y en a tant qui valent le détour... J'ai la chance de recevoir et déguster au quotidien les plus beaux thés du monde. S'il fallait en retenir quelques-uns, je prendrais un Darjeeling de printemps (un clonal Evitou). Un autre Darjeeling d'été ou d'automne, plus mûr, fruitée et boisé. J'emmènerais également un Jukro de Corée du Sud ou bien un Dan Kong Hong Cha du Sud de la Chine. Ce thé, une seule personne est capable de le produire à ce jour. La liqueur est d'une richesse aromatique incroyable. Elle présente des notes miellées, animales, boisées, épicées, mais également de fruits cuits... Je prendrais également des thés japonais : un Ichibancha, récolté la première semaine du mois de mai. Mais aussi un Genmaïcha, plus abordable. Pour le soir, je me tournerai vers un Chiraore, au goût grillé plus subtil que le Hojicha. Je voudrais également avoir un beau Oolong de Taïwan, un Oriental Beauty, long en bouche. Et bien sûr, des thés verts primeur chinois, à commencer par le Tai Ping Hou Kui, entièrement roulé à la main et cultivé dans le "village des Singes" (voir photo ci-dessous), berceau du thé. Je prendrais aussi un très bon thé du Népal roulé à la main (Hand Rolled Himalaya Tips HRHT), aux saveurs de croûte de pain, avec des notes végétales, florales, briochées... Le Népal produit du thé depuis une vingtaine d'année seulement. Les théiers qui composent les plantations sont tous issus de très bons cultivars (que l'on peut comparer à des cépages, NDLR), tous identiques, contrairement aux plantations de Darjeeling par exemple qui peuvent comporter des théiers différents. Enfin, je glisserai aussi dans mon sac une galette d'un Pu Er "cru", qui a subi une lente fermentation sur 10-15 années.
Comment cuisinez-vous le thé ?
Je recherche surtout la saveur brute des aliments et n'intègre donc pas forcément le thé à mes préparations. Lorsque je le fais, c'est souvent parce que j'ai du thé à proximité. Je l'utilise dans mes recettes à la place de l'eau. Dans un court bouillon ou bien un osso bucco par exemple. J'apprécie la cuisine au thé de Sylvain Sendra, chef du restaurant Itinéraires, avec lequel nous avons élaboré le livre La Cuisine au thé, avec Carine Baudry (directrice de l'Ecole du thé, NDLR). D'une manière générale, si l'on souhaite intégrer le thé à des préparations culinaires, il convient de le faire infuser bien plus longtemps que d'ordinaire, pour corser sa saveur. Un thé du Yunnan pourra infuser 15 minutes, par exemple, avant d'être versé dans un court-bouillon ou un plat mijoté.