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Kyoichi Kinugawa

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(Restaurant Kinugawa)
"Un bon sushiya doit connaître ses produits sur le bout des doigts."
A l'heure où les restaurants japonais poussent comme des champignons noirs sur le territoire français, Kyoichi Kinugawa fait figure de pionnier en la matière. Installé en France depuis plus de 20 ans, il est considéré comme le spécialiste de la gastronomie niponne à Paris.

Comment vous est venue la passion de la cuisine ?
Kyoichi Kinugawa Un peu par hasard. J'ai commencé à travailler à l'âge de 15 ans dans un restaurant de ma ville d'origine, Kyoto au Japon. Le fait est que j'ai toujours aimé manger, et bien manger même. La vérité c'est que j'ai débuté dans ce métier sans vraiment plan de carrière.

Que faut-il avant tout pour être un bon sushiya (maître sushi) ?
Le plus important est d'être un chef passionné par son métier. C'est la même chose que pour chaque profession : plus la personne aime son métier, mieux elle le pratiquera. Sinon, concrètement, un bon sushiya se doit de connaître ses produits sur le bout des doigts, et doit être capable de reconnaître un bon riz et de beaux poissons. Le travail en amont de la préparation est encore le plus important. Distinguer si le poisson est bien frais, gras ou non, savoir le manipuler, l'apprêter de la meilleur façon. Enfin, il est indispensable qu'il tienne compte de la saisonnalité des produits qu'il utilise.

On dit que 10 années de pratique sont nécessaires pour maîtriser l'art du sushi ? Combien de temps vous a-t-il fallu personnellement ?
Disons qu'avant d'arriver à parfaitement maîtriser la réalisation des sushis, il faut un certain temps. 10 années ne me semblent pas de trop si l'on souhaite être vraiment incollable et considéré comme un vrai spécialiste. Maintenant, ça peut vous paraître beaucoup, mais demandez à Joël Robuchon combien de temps il lui a fallu pour devenir un grand chef. Au moins 10 ans, c'est sûr.

Quels sont, selon vous, les indispensables de la préparation des sushis ?
Il est très important de bien préparer le poisson. Il doit être très bien écaillé, décortiqué, ses filets parfaitement levés. De même, le riz doit être parfaitement cuit, nit rop mou, ni trop dur. La cuisson du riz est pas une étape difficile et déterminante, d'autant que le résultat, même pour des professionnels, n'est pas tous les jours le même. Deux raisons à cela : tout d'abord, la qualité dur riz en lui-même. Il se trouve que notre riz vient d'Espagne. Du coup, en été il a parfois tendance à être trop sec, et il est un peu moins bon que pendant le reste de l'année. Puis vient la proportion de vinaigre à utiliser par rapport au riz. Vu que le riz ne donne pas toujours le même résultat, on doit jongler avec la quantité de vinaigre, c'est une constante adaptation. Sans compter que nous utilisons du vinaigre maison, lui aussi susceptible d'évoluer à chaque fois.

Trouvez-vous tous les produits dont vous avez besoin sur le sol français ?
Quasiment tout oui. C'était plus difficile avant. Cela n'empêche pas que l'on réadapte certains produits comme le gingembre que l'on fait mariner nous-même dans une préparation maison.

Quel est votre sushi préféré ?
J'aime tout ce qui est bon, donc mes sushis préférés sont ceux qui sont bien faits. Mais s'il fallait en citer, je dirais les sushi au thon.

Et celui que vous réussissez le mieux ?
Ça dépend des jours et de la qualité des produits que j'utilise sur le moment. Je me cantonne aux sushis traditionnels. Je n'aime d'ailleurs pas beaucoup tous ces nouveaux sushis, les californiens. Je n'en ai jamais mangé de bons.

Dans quelles circonstances avez-vous décidé de venir en France ?
En 1978, le propriétaire de l'hôtel Nikko à Paris est venu au Japon afin de recruter un chef pour son restaurant, le Benkay. En acceptant le poste, j'ai naturellement décidé de venir habiter à Paris. Après une année et demi, je suis reparti à Kyoto avant de revenir définitivement en France en 1984 pour lancer mon propre restaurant. J'en ai ensuite ouvert un second en 1993.

Que pensez-vous de l'engouement de la France pour la cuisine japonaise, et notamment pour les sushis ?
Il y a dix ans, c'était beaucoup plus calme. Les restaurants japonais étaient relativement rares en France. On peut d'ailleurs dire que je fais partie des pionniers en la matière. Mais depuis cinq ou six ans on assiste à une véritable explosion des restaurants japonais.

A quoi est-ce dû selon vous ?
Je pense qu'il y a plusieurs raisons. Beaucoup d'hommes d'affaires ou d'artistes de passage aux Etats-Unis, où les restaurants japonais existent depuis longtemps, ont rapporté cette mode en Europe. Enfin, les Français font de plus en plus attention à ce qu'ils mangent et tout le monde sait que la cuisine japonaise est réputée pour être très saine. Ils se sont donc logiquement tournés vers les sushis et la gastronomie nippone.

Comment réagissent les clients français à la cuisine japonaise ?
Plutôt bien. Nous avons de plus en plus d'amateurs qui passent au restaurant. Beaucoup d'habitués aussi, surtout dans le cadre de repas d'affaires. La seule chose que je puisse leur reprocher, c'est que bien souvent ils ne connaissent que les sushis dans la cuisine japonaise, or c'est bien plus que ça. C'est une cuisine très variée et très riche. J'essaie de leur faire goûter de nouvelles saveurs, de nouveaux plats, et généralement ils réagissent plutôt bien.

Certains craignent de manger du poisson cru, que leur diriez-vous pour les rassurez et les amener à se laisser tenter ?
Rien de spécial. Si une personne n'a pas envie de manger quelque chose, je refuse de la forcer. Ça doit venir tout seul. Si on oblige quelqu'un à manger quelque chose qui ne le tente pas, il ne l'appréciera pas. En revanche, j'essaie de m'adapter à ses goûts, à ce qu'il aime. S'il n'aime pas le poisson cru, je vais lui proposer différentes préparations avec des aliments qu'il apprécie.

Et question hygiène alimentaire, est-ce sans risque de manger du poisson cru ?
Tout à fait. A titre personnel, je suis intransigeant avec la qualité de mes produits. Je vérifie moi-même la fraîcheur de chaque poisson, c'est essentiel. Le problème, c'est que tous les restaurateurs ne sont pas tous fiables malheureusement. Beaucoup ne sont pas tenus par de vrais spécialistes.

Et que pensez-vous de la cuisine française ?
Je trouve la gastronomie française délicieuse, c'est vraiment le top en matière d'art culinaire. A vrai dire, j'aime tout dans cette cuisine, sauf peut-être les abats et la cervelle que j'ai encore du mal à apprécier (rires).

Propos recueillis par David Alexandre

Restaurant Kinugawa (I)
4 rue Saint Philippe du roule, 75008 Paris
Tél : 01 45 63 08 07
Fermé le dimanche

Restaurant Kinugawa (II)
9 rue Mont Thabor, 75001 Paris
Tél : 01 42 60 65 07
Fermé le dimanche

 


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