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Jean-Louis Bloch-Lainé

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Photographe Culinaire
"
C'est la photo qui donne sa chaleur et sa sympathie à une recette."
Derrière chaque livre de cuisine, il y a un chef bien sûr, mais également l'oeil avisé d'un photographe culinaire. Depuis plus de 40 ans, celui de Jean-Louis Bloch-Lainé travaille pour les plus grands, et fait saliver tous les gourmands.

(Novembre 2005)

Comment êtes-vous arrivé à la photographie culinaire ?
Jean-Louis Bloch Lainé Tout à fait par hasard. J'ai commencé par faire des photos de mode, de voyage et des portraits, mais ce n'était vraiment pas très bon. A l'époque, je travaillais pour Marie-Claire, et le directeur artistique du magazine m'a proposé de faire une photo de cuisine. Ça s'est tout de suite bien passé. Aujourd'hui, je ne fais plus que ça, et ça m'amuse beaucoup.

Qu'est-ce qui vous plaît tant ?
Il m'arrive parfois de photographier d'autres natures mortes, mais c'est vraiment dans la cuisine que je respire le mieux. C'est un sujet universel, surtout en France, pays de la gastronomie. Pas besoin d'une grande culture générale pour apprécier une belle photo culinaire. La cuisine, c'est quelque chose que l'on côtoie trois fois par jour, tout au long de sa vie. Ça parle à tout le monde, et tout le monde est libre d'en parler.

Comment travaillez-vous ? Qui décide des mises en scène ?
C'est un travail d'équipe. Au départ, il faut un sujet, généralement un chef, une recette ou un produit. Puis il faut définir l'angle selon lequel on veut le traiter. C'est le travail du journaliste ou de l'écrivain culinaire avec lequel je collabore. Je ne choisis jamais les sujets, mais en revanche je les interprète.

Existe-t-il des produits plus photogéniques que d'autres ?
Oui, certains produits se refusent à l'objectif. De même que certains plats d'ailleurs. En moyenne, on jette 10 % des photos. Par exemple, le pot-au-feu est très difficile à photographier car il comporte trop d'ingrédients, et tout est masqué. Par contre, si on ressort quelques éléments du tableau général, une pomme de terre, un morceau de viande, un peu de sauce, on obtient quelque chose. Il faut jouer sur la simplicité.

Une tendance esthétique se dégage-t-elle à l'heure actuelle ?
Depuis un certain temps déjà, la mode est à la photo vaporeuse, un peu floue et surexposée. Personnellement, je n'adhère pas, car on ne voit plus bien ce que l'on mange. Ça laisse entendre qu'il y a quelque chose à cacher dans l'assiette.

Le livre
Jean-Louis Bloch Lainé,
Editions de la Martinière, 2005, 216 pages, 45 €.
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Qu'est-ce qui fait avant tout la qualité de la photo ? Le sujet ou le photographe ?
Disons qu'une pêche ou une grappe de raisin qui ont du charme feront forcément une photo. Attention, pas forcément une bonne photo, mais une photo, et c'est déjà pas mal.


Vous travaillez avec les plus grands (Pierre Hermé, Alain Ducasse), comment se passe la collaboration avec les chefs ? Qui a le dernier mot ?
Vous savez, c'est comme lorsque vous faites le portrait de quelqu'un. Il y a des aspects de leur travail dont les chefs aiment parler, et d'autres pas. Donc au début, il y a toujours une appréhension, la peur que l'on modifie, à travers la photo, l'image qu'ils veulent donner d'eux-mêmes. Mais ça passe assez vite et ils apprennent à faire confiance. Et puis on leur montre notre travail au fur et à mesure pour les rassurer, et la collaboration s'installe, les relations se fluidifient.


En cuisine, on sert dans l'urgence car l'aspect d'un plat s'altère très vite. Comment faites-vous pour prendre vos photos avant que le soufflé ne retombe ?

On travaille le plus près possible des cuisines, ce qui n'est pas toujours facile. Le plus souvent, on opère entre deux services car les cuisiniers sont prêts, et les fours encore chauds. On travaille en situation la plupart du temps. Par exemple, j'ai récemment fait une photo de tarte aux fraises pour Pierre Hermé. Et bien, il se trouve qu'il en avait une absolument parfaite en vitrine. J'ai pris la photo, et la tartelette a été remise en vente et vendue deux heures plus tard. Pour les gros ouvrages par contre, il arrive que l'on prépare une recette pour l'occasion, c'est la seule tricherie que l'on s'autorise. En photo culinaire, c'est l'oeil que l'on flatte plus que le goût.

Les photos ont souvent l'air trop parfaites, avez-vous recours à des artifices ?
En publicité, oui, car on ne peut pas avoir la même liberté qu'avec un chef, ce ne sont pas les mêmes enjeux. Le fabricant espère qu'on lui offre l'image du produit idéal, celle que lui même n'est pas capable de produire. Mais à part ça, je n'utilise aucun artifice, si ce n'est de la vapeur d'eau parfois pour donner une impression de chaleur à la photo.

Faut-il aimer les produits et les plats que l'on shoote pour réussir une bonne photo ?
Pour moi, non. Moins j'aime et mieux je m'en sors. Par exemple, j'éprouve une grande tendresse pour la mousse au chocolat, mais je n'arrive pas à en faire de bonnes photos. Contrairement au poulpe. Je ne mange pas ce que je photographie. Je choisis de faire confiance, et je préfère me concentrer sur l'aspect purement visuel du sujet.

Etes-vous fin gastronome vous-même ?
Comme tout le monde, je sais apprécier un plat quand il est bon, mais je ne peux pas dire que je sois un fin gastronome. D'ailleurs, il y a quelque chose qui m'ennuie dans ce mot. Il n'est pas vraiment beau, et je trouve qu'il donne une image trop technique de la cuisine. Les mots ne sont pas assez forts pour évoquer la cuisine. La photo, elle, apporte cette chaleur et cette sympathie qui se dégage d'un plat ou d'une recette.

Un conseil pour tous les membres du service Cuisiner qui photographient leurs recettes ?
Oubliez le flash. C'est une lumière qui dénature la vraie lumière, et donc votre recette, car ce n'est pas comme cela que vous la regardez. Mettez-vous près d'une fenêtre et profitez de la lumière naturelle.

Propos recueillis par David Alexandre


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