Pâtissière-chocolatière-confiseuse
"Il
faut travailler les fruits en douceur avec l'envie de les sublimer"
Christine Ferber, la "fée
des confitures" comme on aime à l'appeler, nous fait partager
sa passion pour le sucré, pâtisserie et chocolat, et nous
parle bien sûr de l'art de faire de bonnes confitures... (Septembre 2004)
Vous êtes pâtissière-chocolatière-confiseuse. D'où vous vient cette passion du sucré ?
Christine Ferder C'est une passion familiale : mon arrière grand-père
et mon grand-père étaient boulangers, mon père était boulanger-pâtissier-chocolatier.
Tous les dimanches, dès mon plus jeune âge, j'allais l'aider, j'adorais
faire des gâteaux avec lui : des tartelettes aux fraises, des éclairs
Chez ma grand-mère, qui avait un grand verger, j'ai appris la culture
et la récolte des fruits, la fabrication des confitures
Et puis en Alsace,
au moment de Noël, les familles font des dizaines de kilos de petits gâteaux
: petits fours, petits sablés, stollens, berawekas
C'est une tradition
qui vient d'Europe centrale.
Et par la suite, comment c'est passé votre
apprentissage ?
Je suis partie faire une école à Bruxelles parce qu'en France, à cette
époque, on ne prenait pas de fille dans le milieu de la pâtisserie. L'école
a duré 3 ans, j'ai ensuite remporté la coupe de France des jeunes pâtissiers,
et puis je suis partie travailler 1 an à Paris, chez Peletier, rue de Sèvres.
Enfin, à 24 ans, j'ai repris la boutique de mes parents et j'ai développé
les branches pâtisserie et chocolaterie. Mon père en faisait occasionnellement,
le dimanche et au moment des fêtes. Moi, j'ai rendu la fabrication des
pâtisseries et des chocolat quotidienne.
Le
livre
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Merveilles,
délicieuses recettes au pays d'Alice, Editions du Chêne,
2004, 176 pages, 39 €.
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les libraires
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C'est amusant car aujourd'hui les gens
vous connaissent surtout pour les confitures
Oui, pourtant les confitures ne représentent que 25 % de ma production.
Je me suis mise à vendre des confitures par hasard
Un jour, on m'a amené
un superbe panier de griottes et je me suis dit "tiens, pourquoi ne pas
faire des confitures pour décorer la boutique ?" Nous ne pensions
pas les vendre car en Alsace, tout le monde a son verger et ses fruits.
Mais les clients, en voyant les pots, ont demandé s'ils étaient
à vendre et nous leur expliquions que c'était pour décorer. Au bout de
la cinquième demande, j'ai décidé de les vendre, et c'est comme ça que
l'aventure a commencé
A quoi ressemble votre quotidien ?
Je me lève vers 5 h du matin. Le mercredi, je vais chez un marchand
de Colmar qui ramène des fruits de Rungis que nous n'avons pas en Alsace
: figues, abricots, fruits exotiques
A 6 h, j'arrive à la boutique
et je commence à faire les pâtisseries, le pain, les macarons... Il s'agit
surtout de commandes car nous sommes dans un petit village où il y a peu de
passage. A 13h30, je passe à la fabrication des confitures. Cela dépend
de l'arrivage, car je ne travaille que des produits frais. En ce moment,
je fais des confitures de pêches, de quetsches, de figues, de pommes,
de poires, de coings
Fin novembre, c'est la fin de la saison des confitures,
je passe alors à la fabrication du pain d'épice, puis des chocolats à
l'approche des fêtes. Mon travail suit le rythme des saisons. Vers 19 h,
j'arrive chez moi, je jardine, je lis, je cuisine, ou encore j'écris des
livres, mon huitième livre de cuisine va bientôt sortir...
Vous avez été nommée Chef pâtissier de
l'année en 1998. Qu'est-ce que cela représente pour vous ?
C'est important parce que c'est une reconnaissance de mes pairs, c'est
important aussi parce qu'il y a peu de femmes qui percent dans ce milieu.
Et puis, cela donne plus d'énergie pour continuer. Mais un titre ne change
pas le quotidien, il faut se remettre en question tous les jours.
Pour quels grands cuisiniers faites-vous
des confitures aujourd'hui ?
Pour Alain Ducasse par exemple, je fais des confitures qu'il sert avec
du fromage. Pour Philippe Legendre, au George V, je fais une gelée
de pamplemousse qu'il sert avec un turbot. Pierre Hermé me demande des
recettes spécifiques, il m'indique les parfums qu'il souhaite et moi je
crée. Dernièrement j'ai fait pour lui une confiture framboise-figue à
la cannelle caramélisée qui s'appelle "Garance".
Que pensez-vous des confitures industrielles ?
Je ne critique jamais. Mes confitures sont chères, mais leur fabrication
demande beaucoup de main-d'uvre. Celle-ci est nécessaire pour préserver
le bon goût, la bonne texture, la belle couleur des fruits. Je travaille
4 kilos maximums de fruits en même temps, ce qui donne en moyenne 20 petits
pots. C'est un éternel recommencement
Dans les usines, c'est 50, 100,
200 kilos de fruits qui sont cuits en même temps. Ce n'est pas le même
marché, ce n'est pas pour les mêmes moyens. Je ne critique pas car certaines
personnes ne peuvent pas s'acheter mes confitures tous les jours. Mais
personnellement, la composition avec conservateurs des confitures industrielles
ne me convient pas.
Quel est le secret de la réussite des
confitures ?
D'abord, il faut avoir de très beaux et de très bons fruits. Moi, j'ai
la chance de travailler avec des agriculteurs qui me gâtent. Ensuite,
il faut du temps et de la patience. Il faut travailler les fruits en douceur,
ne pas les abîmer, pour qu'ils rendent ce qu'ils ont de plus beau, tant
au niveau de la texture, de la couleur, de la saveur
C'est comme pour
les pâtisseries et les chocolats, il faut avoir envie de sublimer le produit,
avoir envie de faire plaisir, à soi, mais aussi aux autres. Je dirais
qu'il faut vivre la matière, être en osmose avec elle. Je garde toujours
le souvenir de mon père travaillant la pâte, l'odeur, la couleur, la texture,
et à chaque fois je me dis "je vais faire une pâte aussi belle que celle
de papa". En fait, il ne faut pas faire les produits pour faire de l'argent,
mais pour faire du beau. Cela demande de rester intègre, de ne pas tricher.
Peut-on faire des confitures avec tous
les fruits ?
Oui, le sucre est un conservateur,
le mot "confiture" vient de "confire" qui signifie : faire pénétrer
au cur du produit pour prolonger la vie. On peut aussi faire des confitures
avec des légumes. La rhubarbe est un légume alors que la tomate est un
fruit, souvent les gens pensent l'inverse. De plus, il n'y a pas de limite
dans l'association, moi je respecte juste le rythme des saisons. Par exemple,
je ne vais pas mélanger de la rhubarbe, mûre en avril, avec du coing,
mûr en octobre. Il faut aussi connaître les puissance de goût pour définir
le bon équilibre du mélange. Par exemple, je mettrais 1 kilo de pêche,
qui a une faible puissance de goût, avec 100 g de rondelles d'orange et
3 pointes de couteau de cannelle.
Quelle est votre confiture préférée ?
Je suis fidèle à la première que j'ai
faite, la confiture de griottes, dénoyautées à la main. Elle est belle,
et j'aime son goût d'amande un peu acidulé. J'aime bien aussi la confiture
de coings, c'est le dernier fruit de l'année, il annonce les fêtes. Il
n'est pas joli mais il a un parfum magique quand on le travaille, sa saveur
un peu épicée est très complexe.
Qui a eu l'idée de votre prochain livre
"Merveilles, délicieuses recettes au pays d'Alice" ?
C'est Philippe Model, styliste-décorateur,
grand créateur de chapeaux et les chaussures, qui a eu l'idée du livre
et qui a mis en scène les recettes. Pour créer les 80 recettes du livre,
je me suis donc inspirée du monde d'Alice, un monde onirique et tourmenté.
J'ai créé des recettes de gâteaux vivants, colorés, épicés, avec une connotation
anglaise aussi puisque le romancier, Lewis Carroll, est anglais. C'est
un livre de recettes mais aussi un livre d'images, il est assez moderne.
Je vous laisse le découvrir
Pour finir, avez-vous déjà pensé à avoir
un site Internet pour votre boutique ?
Oui, j'y pense, mais vous savez, je fais les choses doucement, il me faut
du temps. Pour le faire, je veux des personnes qui me conviennent, en
qui j'ai toute confiance. Mais c'est vrai que ce serait bien pour présenter
mes produits et donner des recettes.
Propos
recueillis par Emilie Godineau
Maison
Ferber
18 rue Trois Epis, 68230 Niedermorschwihr
Tél : 03 89 27 05 69
Autres points de vente : Pierre Hermé, Lafayette Gourmet, Le Bon Marché...
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