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Fumiko Kono

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Créatrice culinaire
"Je crée des passerelles entre la cuisine française et japonaise"
Fumiko Kono, créatrice culinaire d'origine japonaise, a fait ses classes auprès du chef Alain Passard. Elle marie à merveille traditions françaises et parfums d'Orient. Elle a notamment signé la carte du restaurant Kong à Paris. Rencontre. (Mai 2004)

D'où vous vient cette passion de la cuisine ?
Fumiko Kono L'amour de la cuisine m'a été transmis par mon grand-oncle que j'adorais. J'ai commencé très jeune à cuisiner avec lui, dès l'âge de 3 ou 4 ans. Il m'a enseigné la cuisine japonaise très traditionnelle, une cuisine en harmonie avec ce goût si particulier du saké qu'il aimait : les poissons séchés, les nouilles faites main, les prunes... C'était une cuisine simple mais requérant une grande attention aux produits et une grande précision dans la réalisation. Il ne mélangeait pas les goûts arbitrairement et avait un grand respect pour la pureté des produits : ils devaient être naturels et d'une grande qualité. Il m'a aussi donné le goût de la cuisine des saisons. Comme en France, le rythme des saisons marque la vie et la tradition culinaire au Japon avec des produits du marché spécifiques pour chacune d'entre elles. Son jardin était un endroit merveilleux : au printemps, nous récoltions les fleurs de cerisiers pour faire un confit en les faisant mariner avec du gros sel ; en automne, nous cuisinions le riz avec les châtaignes...

Que retenez-vous de votre temps de formation chez Alain Passard ?
D'abord l'incroyable passion qui anime cet homme dans tout ce qu'il entreprend et sa capacité à partager cette passion avec les autres. Sa rigueur dans la sélection et le respect des produits a été également pour moi très importante. Alain Passard m'a enseigné l'art de la cuisson qui permet de révéler l'essence même des produits. J'y suis d'autant plus sensible qu'au Japon, il existe une tradition séculaire de la cuisson par le feu dont on peut même dire qu'elle revêt un caractère sacré.

Vous êtes créatrice culinaire. Où puisez-vous votre inspiration ?
Mon inspiration provient d'abord des produits eux-mêmes, de leurs couleurs, de leurs formes, de leurs odeurs. Mais je peux aussi être inspirée par une carte postale que je reçois d'une amie représentant un champ de lavande, un tableau dans un musée, un ballet comme récemment le ballet "Signes" de la chorégraphe Carolyn Carlson, avec les décors et les costumes du peintre Olivier Debré... Je passe tout ça à la moulinette et j'incorpore cela dans mes créations culinaires.

Le site

Comment avez-vous conçu la carte du restaurant Kong ?
Laurent Taieb, le propriétaire du restaurant, m'a présenté un cahier des charges très précis : rapprocher deux métropoles, Paris et Tokyo, et créer une cuisine légère, féminine et internationale. J'ai donc essayé de proposer une cuisine qui respecte ces critères. J'aime pratiquer une cuisine subtile par allusions, par associations de goûts, dans laquelle le client est surpris sans être égaré par trop d'étrangeté. Je déteste ce qui est caricatural et plein de clichés.

Comment faites-vous pour marier cuisine française et cuisine nippone ?
Tout part de la cuisine traditionnelle française et je créée des "passerelles" avec la cuisine japonaise, soit par la cuisson, soit en associant des condiments, des épices, des herbes de l'archipel. Contrairement à ce que l'on pense généralement les deux cuisines sont plus proches qu'on ne l'imagine.

Où achetez-vous vos produits ?
J'ai la chance d'avoir un petit nombre de fournisseurs de grande qualité qui recherchent toujours l'excellence. Je leur suis fidèle et j'aime qu'ils partagent avec moi leurs innovations. Je suis toujours à la recherche de nouveautés et je flâne sur les marchés pour découvrir de nouveaux produits. Paris est à cet égard une ville cosmopolite extraordinaire dans laquelle on a accès à un échantillon très large des meilleurs produits de tous les continents.

Quelle est votre recette préférée ?
En ce moment, les pêches blanches pochées à la verveine fraîche avec de la gelée d'hibiscus. J'aime la fragilité de cette recette, son mariage de parfums délicats.

Quel est votre restaurant préféré ?
Il y en a beaucoup... J'aime bien L'Astrance à Paris car son chef, Pascal Barbot, qui a été également formé par Alain Passard, a une sensibilité culinaire très proche de la mienne. C'est un chef délicat, inventif, très rigoureux.

Quels sont vos projets ?
Je pars au Japon terminer un film qu'un réalisateur talentueux, Frédéric Laffont, à la gentillesse de me consacrer. Ce film sortira sur France 5 à la fin de l'année. Frédéric Laffont consacre toute une série de films à la cuisine et à des chefs dans une collection qui s'intitule "Secrets de cuisine". Ce que j'aime c'est qu'il utilise la cuisine comme une métaphore pour montrer d'autres facettes de la vie et des êtres. Je reviens ensuite à Paris pour réaliser une série de déjeuners et de dîners promotionnels. Enfin, je pars en juillet en Californie pour un de mes clients américains qui me demande chaque année de créer des menus inédits.

Avoir un site Internet, c'est important pour vous ?
C'est très important pour moi. Comme je n'ai pas de restaurant, c'est un peu ma vitrine pour présenter mes créations culinaires. Cela me permet également d'avoir un contact très direct avec des gens qui cherchent à en savoir plus sur ma cuisine ou me font part de leurs commentaires. Enfin comme je voyage beaucoup cela me permet en quelque sorte de posséder le don d'ubiquité que je n'ai malheureusement pas, être ici tout en étant ailleurs...

Propos recueillis par Emilie Godineau

Kong : 1 rue du Pont-Neuf, 75 001 Paris, tél : 01 40 39 09 00.
Au dernier étage de La Samaritaine, Métro Pont-Neuf.

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