Camembert

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Marie Quatrehomme possède une crèmerie à Paris. Entre perte d'authenticité et décisions économiques, elle dénonce la quête du risque zéro qui entraîne une baisse de la qualité des camemberts.

 

 

Que pensez-vous de la décision de certaines grandes marques laitières de fabriquer du camembert au lait thermisé, plutôt qu'au lait cru ?

Je trouve ça dommage ! Ce parti-là a créé une perte d'authenticité pour l'AOC camembert de Normandie. Par ailleurs, je suis chef d'entreprise et je comprends que des décisions économiques doivent être prises dans le but de produire en masse et d'exporter. Nous, fromagers-affineurs sommes en bout de chaîne et nous devons rester garants d'un terroir. C'est donc une réponse de Normand que je vous donne.

Consommer du camembert au lait cru entraîne-t-il vraiment un risque ? Doit-on craindre pour sa santé ?

Les cas de listériose sont trois fois moins importants qu'il y a 10 ans. De toutes façons, tout risque apparaît à la naissance d'un être ! Il n'y a pas de risque zéro : cela n'existe dans aucun domaine. Il est donc surfait de se polariser sur ce seul risque de listériose. En plus, le lait cru est nécessaire. Mais les gens veulent être rassurés. En revanche, lorsqu'une femme est enceinte donc plus sensible, je suis tout à fait d'accord qu'elle ne doit consommer que du fromage avec plus de 60 jours d'affinage.

 

"Si la charte de l'AOC est mise à mal par des concessions sanitaires ou économiques, on risque de diminuer la qualité"

Aux États-Unis, on dit que la production de camembert au lait cru va être lancée. N'est-ce pas contradictoire pour un pays qui refusait de faire entrer un tel fromage sur son territoire ?

Oui, mais cela a toujours existé. Ça se développe à vitesse grand V. Mais là-bas, la règle est de 60 jours d'affinage pour un fromage au lait cru. Du coup, on perd un bon nombre de fromages au lait cru car, par exemple, pour une AOC camembert de Normandie, il faut 21 jours d'affinage.

L'INAO ne faiblit pas et refuse de modifier le cahier des charges de l'AOC camembert de Normandie. Mais les grands groupes continuent de faire pression. Qu'en pensez-vous ?

C'est normal ! À mes yeux, l'INAO ne doit pas céder même si cela peut-être perçu comme un combat d'arrière-garde. L'INAO assure la garantie de ce bastion, synonyme d'excellence. Si cet ensemble de chartes de qualité est mis à mal par des concessions sanitaires ou économiques, on risque de diminuer la qualité.

N'y a-t-il pas d'autres solutions ? En amont, par exemple : contrôle des vaches, de leur alimentation...

Oui, c'est déjà fait. Les seuils de tolérance ne cessent d'être abaissés. Un élevage peut être soupçonné d'être potentiellement pathogène, il est alors effectivement pensé et traité comme pathogène. L'être humain, à ne pas être soumis à des attaques microbiennes, se crée des faiblesses immunitaires. Arrêtons d'accuser le lait cru !

Dans votre crèmerie, vendez-vous du fromage au lait thermisé ?

Oui. Je vends l'AOP (appellation d'origine protégée, ndlr) Stilton, dont le cahier des charges impose la pasteurisation du lait, mais aussi du gouda ou de la mimolette.

 

Crèmerie Quatrehomme
62 rue de Sèvres
75007 Paris


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