Jean Sulpice, l'authenticité de la montagne

Jean Sulpice a réussi un défi de taille : ouvrir un restaurant gastronomique à Val Thorens. Installé désormais à Annecy, à l'Auberge du Père Bise, il a deux étoiles Michelin et transmet sa passion pour les produits du terroir savoyard.

Jean Sulpice, l'authenticité de la montagne
© Franck Juery

Jean Sulpice a baigné dans la restauration dès son plus jeune âge. À 24 ans, il se lance dans une aventure de 15 ans à 2 300 mètres d'altitude. Aujourd'hui, le chef est descendu de sa montagne pour s'installer sur les rives du lac d'Annecy avec sa famille, aux commandes de la célèbre Auberge du Père Bise, à Talloires. Élu cuisinier de l'année 2018 par le guide Gault & Millau, rien ne semble l'arrêter.

Biographie d'un passionné de cuisine 

Véritable phénomène de la gastronomie, Jean Sulpice a baigné dans le monde de la cuisine dès son plus jeune âge. Né le 27 juillet 1978 à Aix-les-Bains, en Savoie, au sein d'une famille de restaurateurs depuis trois générations, il passe son enfance entre les casseroles, les sauces et les saveurs. "Marcel Rivolli, mon grand-père hôtelier, a l'habitude de partager avec nous un repas de famille ou une grande table, chaque dimanche et jour de fête. De quoi m'éveiller au goût", se souvient-il.

A 16 ans, sa décision est prise. Il devient apprenti à l'Auberge Lamartine, aux côtés de Jean et Pierre Marin, au Bourget-du-Lac. "J'arrivais toujours très tôt le matin en cuisine, pour en repartir le dernier, le soir". Il continue son apprentissage auprès du chef étoilé au chapeau noir, Marc Veyrat, en 1997, d'abord à Annecy, puis à Megève. Il finit second de cuisine et rencontre à cette occasion sa future femme, Magali, sommelière en salle. Sa soif d'apprendre le pousse vers de nouveaux horizons : chez Jean-Georges Klein à l'Arnsbourg, en Moselle, chez Patrick Jeffroy à l'hôtel de Carantec, dans le Finistère, ou encore chez Pierre Gagnaire et Alain Solivérès, à Paris.

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© Denis Rouvre

En décembre 2002, âgé de 24 ans, Jean Sulpice s'installe aux commandes du restaurant L'Oxalys, avec sa femme. Il s'agit d'un établissement - le plus haut d'Europe - situé à plus de 2 300 mètres d'altitude, au cœur de Val Thorens. "Il m'offre un environnement en parfait accord avec moi-même". Proposer une cuisine gastronomique à cette altitude, à des clients adeptes du ski, est un pari risqué. L'ébullition de l'eau, la conversation du vin, la difficulté de l'acheminement des produits, la neige… Ces contraintes ne font pas peur au chef, qui arrive à s'adapter.

Inspiré par l'univers de la montagne, il développe une cuisine fine et légère, et un menu d'hiver qui séduit les clients. Il obtient une première étoile au Guide Michelin à l'âge de 26 ans, et une deuxième cinq ans plus tard. Entre les deux, il publie son premier livre, Ma cuisine de Savoie, qui sera suivi par Altitude 2300 m, en 2008, ainsi que par d'autres ouvrages. Au bout de dix ans de travail, Jean et Magali Sulpice rachètent L'Oxalys et changent la décoration, pour rendre le restaurant plus moderne.

En 2013, l'émission Masterchef fait escale à Val Thorens pour filmer une épreuve. Les candidats essayent alors de reproduire deux plats emblématiques du chef.

Quinze années après le début de cette aventure montagnarde, Jean Sulpice et sa famille, qui compte désormais deux enfants, quittent les sommets pour retrouver les bords du lac d'Annecy, en Haute-Savoie. "A Val Thorens, je suis allé au bout d'une expérience qui a été indispensable pour créer ma patte de chef. Mais je ne me voyais plus progresser là-haut", explique-t-il. Le chef étoilé reprend une institution centenaire, l'Auberge du Père Bise, à Talloires, après quatre ans de réflexions et de travaux. Une fois de plus, c'est un succès.

Le Michelin ne tarde pas à lui accorder deux étoiles pour le restaurant Jean Sulpice. Gault et Millau renchérit en le nommant cuisinier de l'année 2018. Aujourd'hui, Jean Sulpice, qui est aussi grand chef Relais et Châteaux, parle de son travail avec passion : "On a le plus beau métier du monde, car on rend heureux des gens autour d'une table". Il a encore de belles années devant lui pour enchanter les amants de la bonne cuisine.

Des défis de taille

Le nom du premier établissement où s'est installé le couple Sulpice, l'Oxalys, vient d'une plante acidulée locale. Cette résidence, située à l'entrée de la station de ski du massif de Val Thorens, offre une vue panoramique imprenable sur les sommets qui l'entourent. La nouvelle décoration décidée par Jean et Magali Sulpice a permis de transformer l'ambiance du restaurant, dont le décor ne correspondait plus à la cuisine du chef. Dans cette résidence, devenue un incontournable du complexe haut de gamme depuis 2002, les clients arrivent en ski, en voiture, en avion ou en train. Après plusieurs années de succès, Jean Sulpice décide de quitter la montagne pour s'installer sur les berges du lac d'Annecy.

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© Franck Juery

L'Auberge du Père Bise à Talloires, où Jean Sulpice et sa famille ont posé leurs valises en 2017, offre une ambiance encore différente. Cette maison centenaire est un emblème du patrimoine culinaire français et une institution en Haute-Savoie. Le chef François Bise a fondé cette maison en 1903. Son fils Marius opère le premier changement en 1928, et le chalet devient un hôtel. Marguerite Bise, en cuisine, obtient trois étoiles au Guide Michelin en 1951. Les enfants reprennent ensuite le flambeau jusqu'à l'arrivée des Sulpice.

La volonté du chef étoilé est d'écrire un nouveau chapitre de l'auberge tout en gardant "l'âme de cette maison familiale", afin qu'elle reste toujours "un lieu chaleureux, de bien-être et de gastronomie". Située au bord de l'eau et entourée de montagnes, l'Auberge du Père Bise - qui comporte le Restaurant Jean Sulpice** et le Bistrot Le 1903 - s'accorde parfaitement à la cuisine authentique de Jean Sulpice. "Reprendre une institution avec une histoire remontant à 1903 alors que je suis né en 1978 et que nos générations zappent et ne conservent plus, c'est beaucoup d'émotion", confie-t-il à France Bleu.

Cuisine : un sapin dans l'assiette 

Jean Sulpice a deux passions : la nature et la cuisine. "Un adepte de terroir et de saisonnalité", comme le cite sa page Wikipedia (en anglais). Libre, sincère, audacieuse, limpide, originale, fidèle, vivace, inventive, précise, spontanée, équilibrée, pure, enracinée… Sa façon de cuisiner s'inspire des lacs et des montagnes qui l'entourent. Son but : offrir des émotions sincères, sans artifice.

A l'Auberge du Père Bise, son restaurant situé au pied du lac d'Annecy, Jean Sulpice propose des créations issues des produits du terroir savoyard et alpin, "à l'écoute de ses traditions". Il travaille avec des bourgeons de sapin, des plantes, des herbes aromatiques sauvages, ainsi que des fromages comme le reblochon, le vacherin et le beaufort. Son savoureux mélange entre la cuisine moderne et la cuisine classique offre un résultat unique et des assiettes pleines de fraîcheur. Ici, les gourmets se régalent d'une cuisine "les pieds dans l'eau, mais la tête toujours dans les montagnes", suivant les quatre saisons et mettant en valeur les produits issus du savoir-faire local.

Les herbes à l'honneur dans ses recettes

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© Philippe Vaurès Santamaria

Jean Sulpice a fait saliver ses convives grâce à sa soupe de châtaignes en chaud-froid de parmesan et truffes. Mais ses créations comprennent depuis également des cuisses de grenouilles en tempura, du bœuf en croûte d'herbes, une Féra du lac d'Annecy cuite au sel et courge spaghetti au foin, des plins d'escargot, des œufs de caille en gelée de concombre, du foie gras et réglisse, ou encore une mousse de beaufort parsemée d'herbes de montagne, coulis de betterave et noix de Grenoble. Son velouté de carotte, émulsion de sarriette et son pigeon en croûte sont d'autres recettes spécialement concoctées par le chef, selon le livre "Petits secrets de Grands chefs" de Véronique André, paru en septembre 2021 aux éditions Hachette Pratique.

En dessert, il propose différentes saveurs, en fonction des saisons, comme le chocolat, myrtilles et génépi, la crème brûlée reine-des-prés, le mille-feuille, sorbet et sabayon fraises antésite, ou encore le Blanc-Manger à l'absinthe et aux myrtilles. Mais s'il ne fallait en retenir qu'un, ce serait le dessert signature du chef, qui a tant fait parler de lui : la pomme meringuée au parfum d'Antésite, glace miel. Une création craquante et fondante à la fois.

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