Quand la junk food se rachète une clientèle
"Gourmet", "raffiné" ou "frais", des qualificatifs que l'on n'aurait jamais osé souffler après avoir mangé un sandwich. Relégués au rang de malbouffe, le hamburger n'était jusqu'à encore récemment qu'un vulgaire pain garni de steak-mayo, et le kebab, un en-cas avalé par les oiseaux de nuit. En bref, de la junk food peu recommandable à ne pas mettre dans toutes les bouches.
Chiche, le kebab. "On s'fait un kebab ?" Qui n'a jamais eu cette envie, une fois au moins dans sa vie de noctambule, pour caler une fringale d'après minuit. Le sandwich garni de viande grillée à la broche et découpée en fines tranches servi dans du pain pita avec des crudités, des frites (souvent) et de sauce (beaucoup), a dans sa vie de plats, plus souvent briller pour sa capacité à nourrir vite et à petits prix, que pour ses qualités gustatives. "Préjugés" vous répondrait Frédéric Péneau, gérant du kebab "Grillé". Convaincu du potentiel gourmet de ce sandwich, ce dernier en a fait le roi de son enseigne : "C'est que des produits de grande qualité, c'est le veau de chez Desnoyer, qui est un produit magnifique. Tous les légumes sont magnifiques. L'accent est mis sur le goût, et le sandwich est bon à cause de ça". Une démarche qui ravit les amateurs, hommes, "Ce qui séduit le plus c'est la viande, c'est une viande qui est assaisonnée surtout, ça change beaucoup" se délecte Nicolas, un client, et femmes, "C'est pas du pré-élaboré, il y a vraiment du travail" reconnait Mathilde, une cliente. Qualité et travail obligent, le porte monnaie en prend un "coût" : le prix de cette version gastronomique est multiplié par deux par rapport à un kebab classique.
Bonne pêche. Changement de cap chez The Sunken Chips, où le fish and chips, symbole britannique de la junk food, est le seul plat proposé à la carte. Une exclusivité qui n'arrête pas pour autant les amateurs. Depuis que l'échoppe a largué ses amarres dans la capitale, la clientèle ne désemplit pas. Le secret de son succès n'est pas à chercher du côté de ses frites (encore que) mais du poisson, de choix, comme le souligne Mickaël Attar, l'un des fondateurs de l'enseigne : "En fait c'est du poisson frais, on est livré tous les matins, il vient du Finistère et on a un pêcheur éthique qui nous livre tous les matins". La qualité des produits on vous dit, la qua-li-té !
Mon bon burger. Le hamburger, c'est un peu l'avant-gardiste, celui qui a essuyé les plat(re)s. Pour devenir la recette tendance inscrite à la carte de la plupart des restaurants français, il a dû troquer sa (misérable) feuille de laitue pour la chic roquette, sa (chimique) toastinette pour un généreux morceau de fromage et sa (sacro "sainte") sauce ketchup-mayo pour une marinade aux épices. Le relooking version gastro a payé, comme en témoigne le chef Brice Morvent. Depuis qu'il a mis le sandwich à la carte de son restaurant, l'ex candidat de Top Chef a mutlplié par 3 sa clientèle. "Pour moi c'est de la cuisine aujourd'hui la junk-food, c'est de la vraie cuisine. Moi quand je présente mon burger, j'en suis fier. Quand je présente un club-sandwich ou un croque-monsieur, ou quoi que ce soit, j'en suis fier. Parce qu'il peut y avoir des produits très très nobles dedans. Voilà, il y a de la junk-food gastronomique" conclut-il. Et Ronald, il en pense quoi ?
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