Dégustation du pain : toutes les "ficelles" de Steven Kaplan
Fidèle compagnon de nos repas, du petit déjeuner au dîner, le pain se déguste à l'image d'un bon vin. Steven Kaplan, spécialiste du pain, a élaboré une grille de dégustation basée sur six critères. Découvrez-les, ça ne mange pas de pain.
"Je crois que le pain est au centre de tout. Le pain est plus complexe que le vin. Pourquoi on ne déguste pas le pain ? On le mange, on le bouffe mais on ne le déguste pas !" s'insurge Steven Kaplan rencontré à l'occasion d'une visite des Moulins Viron, créateurs de la baguette Rétrodor. Décidé à changer la vision que l’on a sur cette denrée vieille de plusieurs décennies, l'universitaire Américain, historien et spécialiste du pain en France a mis en place un système ludique autour d'une grille de dégustation basée sur six critères qui permet d'attribuer une note sur 20, selon les qualités et les défauts d’un pain. N'en perdez pas une miette !
L’aspect. 80% des consommateurs fonctionnant au visuel, si l'aspect du pain ne leur plaît pas, ils ne l'achèteront pas. Le pain doit être beau et plaisant à regarder, il doit donner envie de le déguster. Il doit arborer une jolie couleur, premier indice sur le pétrissage et la cuisson du pain. La cuisson permettant de mélanger tous les arômes, un bon pain est donc un pain bien cuit. La majorité des consommateurs préfèrent les pains blancs, moins cuits, or c’est, d’après Steven Kaplan, "le pain le plus mauvais". Le spécialiste nous met également en garde contre le pain "baisé", cuit d’un côté mais pas de l’autre, conséquence d'une cuisson de deux pains trop proches l’un de l’autre. Un bon pain doit enfin présenter des "coups de lames" sur le dessus, signature du boulanger. L’aspect est noté de 0 à 3.
La croûte. Elle suppose de faire appel à plusieurs sens. L'ouïe d'abord, car il faut "écouter le pain" nous dit Steven Kaplan, "en tendant l'oreille et en pressant légèrement le pain entre ses doigts" explique-t-il. Il doit "craquer, croustiller, crépiter…" ajoute-t-il. L’écoute se fait également dans la bouche avec la mastication. Le toucher est également important à cette éape : la croûte doit être agréable, pas râpeuse. C’est un "produit sensuel, on le mange directement avec nos doigts, on le touche, on le caresse. On ressent s’il est chaud ou froid, dur ou mou" s'enflamme le spécialiste. Selon le côté que l'on touche - dessus ou dessous - l’aspect diffère. "Cuire son pain sur une sole réfractaire - surface de cuisson resistante à la chaleur - assure la qualité de la mie et de la croûte", précise Steven Kaplan. À l'instar de l'aspect, la croûte reçoit une note de 0 à 3.
La mie. Avant d’ouvrir le pain pour observer sa mie, il faut faire "le tambour". Faire le tambour, késaco ? Tapoter le dessous du pain : si cela sonne creux, le pain est cuit ; s'il sonne plein, c’est qu’il n’est pas cuit ! Une fois le pain ouvert dans toute sa longueur, il faut bien observer la couleur de la mie qui doit être ambrée, crème ou nacrée mais jamais blanche. Les trous dans la mie, les alévoles, doivent être de tailles différentes et dispersées de façon irrégulière, signe que la première fermentation s’est bien déroulée. Au toucher, la mie doit être souple, moelleuse, charnue et avec du ressort, agréable au toucher et fondante en bouche. Après avoir fait le tambour, il faut "pomper" explique Steven Kaplan, à savoir presser la demie baguette entre ses doigts plusieurs fois avant de sentir sa mie. Ce geste fait ressortir les arômes. Une note de 0 à 3 est également attribuée à la mie.
La mâche. La mâche doit être facile et agréable, surtout pas gluante. Une mâche fondante est signe d’un bon équilibre entre la mie et la croûte et, d'une bonne seconde fermentation. Cette seconde étape permet de solidifier le pain à la cuisson. En mâchant, les saveurs doivent arriver en bouche. La mâche est notée de 0 à 1.
Les arômes. Pour ressentir les arômes extérieurs du pain, il faut souffler sur la croûte : "les molécules volatiles s’envolent avec l’air et sont ainsi perceptibles par notre odorat" explique Steven Kaplan. Selon les endroits sur lesquels on souffle, les odeurs varient. L’historien du pain précise que l’on ressent plus l’intensité des arômes à l’expiration qu’à l’inspiration. Notes de beurre, céréales chaudes, noisette, fleurs ou de fruits font partis des arômes les plus perceptibles et les plus communs. Les arômes reçoivent une note pouvant aller jusqu'à 5.
Le goût. Après avoir fait appel à quatre de nos sens, il est temps de solliciter le tant attendu goût ! En bouche, un bon pain a une structure gustative qui doit apporter une sensation de moelleux et d’onctuosité. Le goût doit être fort et intense mais peu salé. C’est à cette étape finale que l’on retrouve le mariage des saveurs et arômes sentis auparavant. Il est d’ailleurs très difficile de différencier les arômes olfactifs de ceux gustatifs. Le goût est noté de 0 à 5.
Après la théorie, place à la pratique : direction la boulangerie pour tester la baguette du coin selon la grille de dégustation imaginée par Steven Kaplan !