Pierre Marcolini, chef au grand coeur
Partisan de la transmission et du savoir-faire, le chocolatier n'a pas hésité à resigner pour la saison 4 de l'émission Qui sera le prochain grand pâtissier. Il nous parle de son rôle de juré avec plaisir et enthousiasme.
Lorsqu'il n'est pas dans son laboratoire pour imaginer les créations qui régaleront ses clients de Belgique, France et d'Asie, Pierre Marcolini parcourt les continents en quête de fèves rares. C'est justement lors d'un transit que nous le contactons. Affable et drôle, le chocolatier n'hésite pas à mettre son (précieux) temps à notre disposition pour répondre à nos questions sur sa participation à l'émission de France 2. Lorsqu'on le lance sur le chocolat, sa matière de prédilection, l'artisan ne compte plus les minutes qui passent. Et nous non plus. Passionnants sont les passionnés.
Journal des Femmes : Qu'est-ce qui vous a motivé à resigner pour une saison ?
Pierre Marcolini : J'aime particulièrement l'aventure humaine que représente cette émission. Je partage les valeurs de transmission qu'elle véhicule, et surtout, c'est une rencontre avec des jeunes talents. Pour nous, c'est toujours stimulant et enthousiasmant. J'apprécie la façon dont l'émission aborde la pâtisserie, de manière décomplexée. Si l'on me demande, je signe les yeux fermés pour une saison 5, 6, 7 !
Qu'insuffle la présence de Jean Imbert en tant qu'animateur ?
Elle est particulièrement intéressante car il a un regard de pâtissier. Il apporte une autre dimension à la présentation, plus dynamique, professionnelle. Il nous faisait remarquer aussi à quel point la cuisine et la pâtisserie sont différentes. La pâtisserie suppose des pesées au gramme près contrairement à la cuisine, plus instinctive. Et c'était drôle de le voir frustré au moment des dégustations ! C'était cruel pour lui de ne pas pouvoir goûter...
Est-ce qu'il joue un rôle de "grand frère", notamment dans la gestion du stress des candidats ?
Le stress est présent mais l'émission essaie de préserver une grande bienveillance. L'idée c'est vraiment de faire grandir les jeunes. On n'est pas là pour les descendre mais plutôt pour leur apporter nos conseils, leur donner confiance.
Claire Heitzler fait aussi partie des nouvelles recrues...
Claire est une merveille. Elle n'aime pas qu'on dise ça mais elle apporte un regard féminin sur la pâtisserie. Elle a aussi un excellent bagage. Son parcours dans la restauration, et désormais en boutique, est exceptionnel. Elle sait décortiquer un goût, une architecture. Et elle a de grandes valeurs tant professionnelles, qu'humaines. Elle sait être à la fois exigeante et bienveillante. C'était un plaisir de faire cette nouvelle saison à ses côtés.
Pâtisseries de boutique / de restauration : même combat ?
Cela met en lumière deux métiers différents. En boutique, les pâtisseries sont préparées en avance pour être consommées dans la journée. Cela suppose de réfléchir aux problématiques de conservation et donc de travailler dans cette exigence. Dans la restauration, la pâtisserie est faite minute. Les gestes sont différents, la technique aussi. Elle est consommée dans la foulée par le client. C'est la quintessence de ce que l'on peut avoir en termes de goût. C'est pour cela que c'était intéressant d'avoir le regard de Claire qui a travaillé pendant des années en restaurant.
Parmi les nouveautés, il y avait aussi une épreuve sur la culture générale. Piégeuse...
C'était une épreuve extraordinaire car elle a permis de mettre en lumière l'immense richesse de la France en matière de pâtisserie. Très sincèrement, si je l'avais faite, je ne suis pas sûr que j'aurai su répondre à toutes les questions. Cette épreuve pourrait être déclinée sur l'histoire de la pâtisserie. Cela permettrait aux téléspectateurs de prendre conscience de l'importance de notre héritage culinaire. Et pour les candidats, c'était très intéressant car cela leur a permis de comprendre à quel point connaître les fondamentaux est essentiel. Les classiques, ce sont les bases. Et quand on les connaît, on est mieux armé pour travailler.
Quels conseils donnez-vous pour travailler le chocolat dans une pâtisserie ?
Il faut écouter le chocolat. Je ne cesse de le répéter mais c'est fondamental. Le chocolat ne se cantonne pas au chocolat blanc, au lait ou noir. Le chocolat est une matière issue d'une fève issue d'un terroir, d'une région, d'une culture faite par des gens. C'est comme des vignes. Il faut en prendre soin pour en sortir les meilleurs arômes. C'est pour ça que j'ai insisté pour que la production propose des grands crus de chocolat aux candidats. Pour qu'ils en découvrent les arômes, les notes épicées, fruitées. Quand on a conscience de tout ça, on peut travailler le chocolat pour le sublimer.
Le chocolatier suisse Barry Callebaut vient de sortir un chocolat ruby, obtenu grâce à un procédé technique gardé secret et qui contient une "fraîche note fruitée de baie". Qu'en pensez-vous ?
Je ne suis pas forcément pour. Ce qui m'intéresse ce ne sont pas ce genre d'avancées techniques mais tout le travail qui est fait à la source, à savoir la torréfaction. C'est ça le vrai travail du cacao, ce que j'appelle le "bean to bar", de la fève à la tablette. Sortir le meilleur du produit d'origine. J'ai beaucoup de respect pour les artisans qui font ça. Les Mast Brothers aux Etats-Unis. La Maison Pralus en France. Les consommateurs doivent comprendre que c'est ça le vrai chocolat. Un produit de la terre que l'on torréfie pour en sortir des arômes, des textures.
La Fédération des Entreprises de Boulangerie a récemment tiré la sonnette d'alarme sur la hausse des prix du beurre. Êtes-vous impacté ?
Cela ne concerne malheureusement pas que le beurre. C'est aussi le cas pour la vanille. Quand j'ai commencé, elle était à 25 euros le kilo. Aujourd'hui, les prix peuvent monter jusqu'à 80 euros. L'augmentation concerne aussi les noisettes qui sont passées de 5 à 19 euros le kilo. Toutes ces hausses touchent l'ensemble de la profession et cela risque effectivement d'impacter nos productions. Nous n'avons pas encore abordé le sujet du beurre mais si c'est récurrent, cela aura forcément des répercussions sur les prix de nos chocolats... Ce qui n'est pas rassurant à l'approche des fêtes de Noël.