Les pâtissiers français en raffolent, cette épice est pourtant interdite dans plusieurs pays
Une épice "interdite" ? En France, si les chefs pâtissiers aiment en parfumer leurs entremets, dans d'autres pays, elle est pourtant blacklistée…
Il suffit d'imaginer ne serait-ce qu'une seconde ce que seraient une semoule au lait sans vanille, des spéculoos sans cannelle ou une pumpkin pie sans muscade pour saisir à quel point les épices comptent en pâtisserie. Parce qu'elles ne se contentent pas de rattraper en quelques pincées un appareil trop fade. Elles donnent aux gâteaux et entremets une subtilité, une profondeur. Elles marquent aussi la "patte" du pâtissier qui se démarque, parfois, d'une pincée d'audace.
Toute la difficulté des épices réside dans leur dosage. Trop timides, elles restent imperceptibles au palais ; trop présentes, elles en deviennent envahissantes. D'où l'importance de trouver la juste mesure… Mais si les épices s'utilisent avec parcimonie, ce n'est pas seulement pour des questions d'équilibre gustatif. C'est aussi pour des raisons de santé. Certaines d'entre elles contiennent en effet des principes aromatiques biologiquement actifs au sein de l'organisme, qui, consommés en excès, pourraient s'avérer néfastes.
L'une d'entre elles en particulier fait l'objet d'une interdiction dans plusieurs pays, en raison de sa teneur élevée en coumarine. Cette molécule dont l'odeur rappelle le foin fraîchement coupé présenterait notamment un risque d'hépatotoxicité (comprenez la possibilité de créer des dommages au foie) lorsqu'elle est ingérée régulièrement ou à fortes doses. L'EFSA (European Food Security Agency) a ainsi fixé en 2008 une dose journalière admissible de 0,1 mg de coumarine/kg de poids corporel.
Cette épice, c'est la fève tonka. La Food and Drug Administration américaine considère que "les aliments contenant de la coumarine ajoutée en tant que telle ou en tant que constituant des fèves tonka ou de l'extrait de tonka sont réputés frelatés en vertu de la loi, sur la base d'un arrêté publié dans le Federal Register du 5 mars 1954". En Belgique, seule son utilisation sous forme d'arôme alimentaire est autorisée, comme le rappelle le Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement.
Faut-il alors dire non à une mousse au chocolat ou une crème brûlée parfumée à la fève tonka ? Si celle-ci renferme effectivement entre 1 et 3 % de coumarine (soit 54 mg de coumarine pour une fève dodue de 1,8 g), vous ne risquez pas d'atteindre de tels seuils en vous délectant d'une petite douceur. Et pour cause, les pâtissiers ne se hasarderont jamais à la râper intégralement, tant elle est puissante en bouche. Sans compter qu'on engloutit rarement un fondant tout seul, et encore moins tous les jours. "C'est la dose qui fait le poison", disait Paracelse. Pour les épices aussi.