"La pomme de terre, tout le monde l'aime"
Patrick Mikanowski, co-auteur de "Patate" (Flammarion), directeur artistique et fou de saveurs, nous parle de son livre et de sa rencontre avec les plus grands cuisiniers du monde.
Qui est à l'origine du livre "Patate" ?
C'est un projet personnel dans lequel j'ai entraîné ma femme, Lyndsay Mikanowski, et un ami photographe, Grant Symon. Ce projet a été réalisé par Elzear, société de conseil et de publicité spécialisée dans le jardin et la cuisine, que ma femme a créée il y a trois ans. J'ai vendu le projet "clé en main" à Flammarion, c'est-à-dire que c'est moi qui ai décidé du contenu et de la présentation du livre.
Votre livre présente des recettes et de superbes photos. Vous le définiriez plutôt comme un beau livre ou comme un livre de cuisine ?
Je dirais que c'est un "beau livre de cuisine" ! C'est un livre à la fois d'histoire, de jardinage, de cuisine, mais aussi d'images. Comme je suis directeur artistique, je connais l'importance de l'image : elle doit donner envie et aussi transmettre un message. Ici le message porte sur la cuisine, mais aussi sur l'environnement, la nutrition... J'ai voulu faire un livre qui ne ressemble pas aux autres. En fait, tout a commencé avec mon précédent livre "Tomate". Suite aux nombreux voyages que j'avais effectués dans le cadre de mon travail, j'avais ramené des graines de tous les pays... Et puis ce qui était un hobby est devenu une activité professionnelle. J'ai maintenant trois autres projets de livre. En fait, "Patate" est un beau livre, mais pas de ces beaux livres qu'on laisse traîner dans le salon.
Pourquoi avoir appelé votre livre "Patate" ?
D'abord, parce que le titre "Pomme de terre" était déjà pris. Ensuite, pour une raison disons "publicitaire" : "Patate" c'est plus vendeur, plus sexy, ça claque mieux, c'est court et plus mémorisable. Ce titre prend le contre-pied de la connotation familière, voire péjorative, du mot "patate". Il y a une contradiction à écrire en gros "patate" sur une couverture assez design. Les éditeurs ne prennent jamais assez en compte l'impact de la couverture. Neuf fois sur dix, elles sont ratées.
Et pourquoi "Patate" au singulier ?
Parce que le singulier c'est plus généraliste, plus institutionnel. On parle de "la" patate en général. On aborde le concept dans sa globalité.
Qu'avez-vous appris de surprenant sur la pomme de terre en écrivant ce livre ?
Tout le monde aime ça. Personne ne m'a dit "je n'aime pas la pomme de terre". Elle a fait le tour du monde et aujourd'hui, elle pourrait sauver l'Afrique de la famine.
Quels sont vos plats et vos variétés préférés ?
J'aime les recettes de pommes de terre toutes simples : à la vapeur, en croûte de sel, avec une noix de beurre ou un filet d'huile d'olive. La "Charlotte en croûte de sel" d'Alain Passard, ma fille de 10 ans l'a réussie sans trop de problème. J'aime aussi le "Patathivier" de Paul Pairet, une sorte de galette des rois avec un feuilletage à la pomme de terre. Et aussi la glace à la pomme de terre.
Dans les variétés, tout dépend de la recette qu'on va faire, mais j'aime bien la ratte, la mona lisa, la roseval, la vitelotte... La bleue de la Manche n'est pas farineuse et délicieuse en purée (bleue), à la vapeur, en croûte de sel. J'ai découvert un plant de la bleue de la Manche dans un conservatoire à côté de Caen et j'ai tout fait pour la diffuser. Je pense qu'elle devrait arriver sur le marché parisien à la rentrée prochaine.
Quelles rencontres avec les grands chefs ont été les plus marquantes ?
A Tokyo, nous venions directement de Paris pour rencontrer le plus grand cuisinier japonais, Hirohisa Koyama. Nous avions rendez-vous à son restaurant en début d'après-midi et nous avons attendu. La journée avançait, il faisait de plus en plus sombre, je commençais à m'énerver. En fait, Koyama ne savait pas à l'avance ce qu'il allait faire. Comme un artiste, il a passé trois heures dans sa cuisine, à regarder autour de lui sans parler. Je me demandais vraiment ce qui se passait. Et puis il a créé un plat spécialement pour le livre : un potage glacé aux légumes blancs...
Une autre rencontre marquante et très différente a eu lieu en Californie. J'ai rencontré Thomas Keller qui a été élu meilleur cuisinier du monde par ses pairs en 2000. Il m'a emmené avec lui en voiture, nous avons été cueillir directement des pommes de terre dans ses champs. C'est un fou de légume, il a près d'une vingtaine de variété de pommes de terre différentes. Il a préparé une salade de légumes, une recette ultra-simple, inratable et modulable selon ses goûts.
C'est le deuxième livre que vous écrivez avec votre femme. Comment vous répartissez-vous le travail ?
Le livre se décompose en trois parties : historique, botanique et gastronomique. Ainsi, le lecteur peut "zapper" dans le livre, lire les parties dans l'ordre qui l'intéresse. Ma femme, historienne, sociologue et paysagiste, a pris en charge la partie histoire et jardin. Moi je suis intervenu pour la partie des variétés.
Et comment s'est déroulé le travail avec le photographe écossais Grant Symon ?
Divinement bien. C'est quelqu'un que je connaissais de la publicité et j'avais envie de travailler avec lui. Pour lui c'était un challenge personnel car il est spécialisé dans les photographies de natures mortes. Quand je lui ai demandé des portraits de chefs, il ne savait pas s'il était prêt. Nous avons réalisé un travail de journaliste. Nous avons voyagé dans les différentes parties du monde à la rencontre des plus grands cuisiniers. Les photos des plats ont été prises directement dans les restaurants. Et nous les avons goûtés !