Fabrice Prochasson : "Je rêve de devenir Meilleur Ouvrier de France Chocolatier" " Le titre de MOF est la récompense d'un long travail "
Pourquoi êtes-vous devenu cuisinier ?
C'est ma mère qui m'a forcé à m'inscrire à une formation de cuisine. Moi, je rêvais d'être avocat de la défense... Je rêvais aussi de devenir pisciculteur. Enfant, j'étais un mordu de pêche. A la sortie de l'école, j'allais pêcher tous les jours pendant deux à trois heures. Je faisais des concours de pêche et j'étais fou des poissons. Je suis issu d'une famille d'ouvriers. Mes parents ne croulaient pas sous l'or. Ils voulaient absolument me voir travailler dans l'artisanat alors que je n'y connaissais rien ! Comment avez-vous abordé le concours de Meilleur Ouvrier de France ?
Mon grand-père a lui-même été sacré Meilleur Ouvrier de France en boissellerie en 1955. J'ai donc toujours baigné dans cet univers du travail précis et méticuleux. J'ai passé mon enfance et mon adolescence chez mes grands parents. En 1983, je suis rentré à l'Ecole hôtelière du Val de Loire à Blois pour faire un BEP et un CAP cuisine. Les arts culinaires m'ont tout de suite plu. A partir de ce moment là, j'ai toujours eu en tête de passer le concours de MOF. En 1993, Lenôtre m'a demandé de m'y inscrire mais j'ai refusé. Si techniquement j'aurai pu tenter l'expérience, psychologiquement et mentalement, je ne m'y sentais pas prêt. En 1996, j'ai décidé de franchir le pas. C'est un concours très difficile qui demande deux ans pour revoir toutes les bases de la cuisine et de la pâtisserie. Aux épreuves préliminaires, nous étions 768 candidats inscrits pour un seul lauréat.Qu'avez-vous ressenti lorsque l'on vous a annoncé que vous étiez le MOF 1996 ?
J'ai fait beaucoup de concours dans le sport et notamment dans l'athlétisme. J'ai participé au championnat de France en équipe et en individuel. La compétition, je connais depuis tout petit. Mais quand on reçoit un titre comme celui de Meilleur Ouvrier de France, c'est toujours un moment très important. C'est la récompense d'un long travail. J'avais promis à mon grand-père de décrocher cette palme. Ma première pensée a été de lui montrer ma médaille. C'était une grande fierté. J'ai dû sacrifier mes loisirs, ma famille et mes vacances pendant 24 mois donc quand la compétition s'est terminée, ça a été un grand soulagement. J'ai cru que j'allais enfin pouvoir revenir à une vie normale. Malheureusement, cela n'a pas été le cas. Les mois qui ont suivi ma victoire, j'ai été très sollicité. J'ai eu la chance d'être formé par des chefs MOF qui m'ont appris et enseigné toutes les bases de la cuisine. Quand j'ai à mon tour obtenu ce titre, j'ai décidé de l'utiliser pour faire rayonner mon savoir-faire et mettre à profit mon devoir de transmission.
Psychologiquement, comment avez-vous vécu ce concours ?
Je me suis heurté à de nombreux doutes et remises en question. Je suis un gagnant dans l'âme et je m'étais donné le devoir d'obtenir le titre de MOF. La peur d'échouer et de voir les portes de la finale se refermer était présente. Je me suis obligé à travailler sans répit le soir, la nuit et les week-ends. Une fois que le sujet du concours est dévoilé, les candidats n'ont que quinze jours pour faire des essais et réaliser les recettes. Cette expérience m'a permis de réapprendre toutes les bases de cuisine. J'ai revu toutes les techniques de la pâtisserie, les différentes pâtes et cuissons... Ce titre a-t-il changé votre vie ?
Il n'a rien changé du tout dans ma façon d'être. J'ai toujours les mêmes amis et les mêmes copains. Professionnellement, cela m'a permis d'asseoir mon poste et de prétendre à des missions plus importantes et plus intéressantes. Ce titre m'a permis de voyager aux quatre coins de la planète. En tant que MOF, on représente la France et on est beaucoup plus écoutés. Mais il ne faut jamais croire que tout est acquis. Malgré notre sollicitation, il faut continuer à trouver du temps pour sans cesse apprendre de nouvelles choses et se former. Aujourd'hui, seriez-vous capable de retenter le concours ?
Je pense, oui ! Mais je le ferai bien dans une autre discipline. A l'époque, j'avais prévu de tenter la pâtisserie mais je n'ai jamais réussi à trouver le temps. Aujourd'hui, j'adorerais concourir pour le titre de chocolatier. Le chocolat est un super produit, très amusant, très ludique et hyper technique, assez difficile à travailler. Et moi, ça me va bien quand c'est dur. Je n'aime pas la facilité !