"Le Prince Albert II est plutôt gourmand"
Après "Cuisine de l'Elysée", Véronique André, chroniqueur gastronomique, vient de publier "Palais de Monaco : à la table des Princes" aux Editions Hachette Cuisine. Elle nous révèle les coulisses, les plats préférés du Prince Albert II, ceux de la Princesse Charlène... Et nous glisse aussi quelques petites anecdotes. Rencontre.
Après l'Elysée, le Palais de Monaco : pourquoi ce lieu ?
Véronique André : J'adore entrer dans un lieu où personne ne va ! Monaco, c'était un beau challenge. Je savais le Prince Albert plutôt gourmand. Et ce rocher est très glamour. Je pensais que le lecteur aimerait découvrir ces lieux, que l'on ne connaît que par les grandes salles officielles. C'est une promenade gustative presque interdite.
Comment êtes-vous parvenue à pénétrer les lieux ?
Cela n'a pas été facile, il a fallu montrer patte blanche. Le Palais Princier est à la fois le lieu de pouvoir de la principauté, mais aussi la résidence du Prince Albert II et de la Princesse Charlène. Il fallait donc rester discret et gagner la confiance de tout un système qui les protège. Une jeune femme responsable de la presse m'a beaucoup aidée : Laetitia Pierrat. Je suis sûre qu'elle sera furieuse que je vous parle d'elle, mais sans elle je n'y serais pas arrivé. Je crois pouvoir dire qu'elle a compris que je ne serais jamais intrusive ni complaisante, mais seulement juste vraie dans mes propos et c'est ce qui a plu au Palais.
Combien de temps y êtes-vous restée ?
En tout, nous y avons passé une vingtaine de journées, en plusieurs fois. Cela a été assez long car toutes les photos du livre ont été faites sur place avec la complicité des gens de l'ombre, comme je les appelle. J'y suis allée une première fois avec mon photographe qui s'avère être l'un de mes fils : Donald van der Putten. Là, nous avons rencontré le responsable des archives qui nous a beaucoup aidés sur toute la partie Historique. Je savais que le Prince Albert était attaché à ce que l'on parle de ses ancêtres. On découvre d'ailleurs que depuis 1600 et des poussières, tous les Princes de Monaco étaient plutôt gourmets, en tout cas attentifs à leur assiette.
Avez-vous trouvé des similitudes avec les cuisines du Palais de l'Elysée ?
Au départ, les similitudes sont celles d'un lieu de pouvoir. À l'Élysée, c'est un lieu très conventionnel où les présidents qui arrivent là ne sont que de passage. A Monaco, c'est une autre histoire. Celle d'une famille : le Prince Albert et ses sœurs sont nés ici. Tout le personnel qui en a l'âge les a vus grandir. Il se dégage une ambiance familiale très chaleureuse. Il y a deux facettes : l'officielle pour les repas d'Etat ; et la privée. Dans le livre, on retrouve les deux.
Vous semblez vouer une grande admiration et une grande tendresse pour le Prince Albert II et la Princesse Charlène. Comment se sont passés ces moments à leurs côtés ?
J'ai, c'est vrai, une grande admiration pour le Prince Albert car il n'arrête pas. Il est extrêmement présent, extrêmement gentil et il a un don incroyable d'écoute, ce qui n'est pas donné à tout le monde, je vous l'assure. La Princesse Charlène, quant à elle, est adorable. Je l'ai vu éclater de rire cinquante fois. Et tous les deux en privé sont véritablement charmants. Même si la Princesse peut être parfois un peu timide, je trouve qu'elle s'adapte plutôt bien à une vie de représentation permanente. Autant on sait que le Prince est né pour ce "job", comme il dit, autant La Princesse a dû s'adapter. Et je trouve qu'elle s'en sort très bien. Avec moi, ça a été formidable ! Elle m'a donné en quelques mois sa sympathie non calculée. Elle est instinctive et ce que j'ai écrit sur elle, comme sur lui d'ailleurs, sont à 100% ce qu'ils m'ont livré, c'est-à dire leur vérité pure et simple.
Comment s'est passée la rencontre avec le chef, Christian Garcia ?
J'écris sur les restaurants et sur les chefs. Je l'avais déjà rencontré à Monaco. Il a fallu beaucoup de diplomatie, de la patience aussi, ce qui n'est pas mon fort, mais je voulais faire découvrir au lecteur des choses que personne n'avait montré ! Donc je me suis adaptée à ces contraintes protocolaires. Une fois tout cela réglé, arriver dans ses cuisines était facile, car il est très chaleureux.
Y a-t-il des femmes dans les cuisines du Palais de Monaco ?
Contrairement à L'Élysée où ils sont 20, ils ne sont que 4 y compris le chef Christian Garcia. Tous les quatre nous ont beaucoup aidés. Il y a le second de Christian Garcia, Alain, puis Mohamed et Georges. Pour les grands dîners ou les déjeuners officiels, ils font appel à l'extérieur et là, il y a des jeunes filles qui sont en photo dans le livre. Dont une qui est la fille de l'un des pâtissiers.
Quelle est l'implication du couple princier dans la cuisine ?
Le Prince Albert, comme la Princesse Charlène, est très attentif à ce qu'il mange. Jamais il ne mange de thon rouge pour la préservation de l'espèce. La Princesse Charlène voit les menus avec lui. Ils ont tous deux le même engouement pour les produits de proximité, les poissons pêchés à Monaco et les légumes et produits de Roc Agel.
Quels sont les plats préférés du Prince Albert ?
Il aime les rougets, le loup, la dorade, mais aussi les petits artichauts barigoule, les fleurs de courgette, les légumes bios.
Et ceux de la Princesse Charlène ?
La Princesse aime les fruits frais et les jus mélangés de fruits frais. Elle aime aussi les légumes à profusion. Mais elle parle avec émotion de ses plats d'Afrique du Sud dont elle nous a donné les recettes que vous trouverez dans le livre.
Dans le livre, on voit des photos des enfants en train de cuisiner. Est-ce un moyen de transmettre la tradition ?
Ce sont les enfants de la Princesse Caroline, il y a 20 ans, en train de concocter un quatre-quarts au citron avec Christian Garcia qui était déjà chef à l'époque. On a voulu ce petit clin d'œil dans les recettes familiales pour rappeler que ses neveux sont très proches du Prince Albert.
Qui a choisi les menus du livre et comment ?
Nous les avons choisis d'un commun accord avec Christian Garcia et d'après ce que nous avons trouvé aux archives pour les menus officiels. Pour les menus privés, nous avons mis les plats que le Prince et la Princesse et avant eux, Rainier et Grace, aimaient.
Aujourd'hui qui choisit les menus ?
Le chef propose des menus par rapport aux arrivages de pêche et des jardins et le Prince et la Princesse choisissent. Ils viennent tous les matins en cuisine.
Comment la cuisine du Palais de Monaco a-t-elle évoluée ?
Il y eut une période très carnée dans les années 1600 puis plus de sauces, plus mijotées. Aujourd'hui, le Prince Albert est très attentif aux produits qui doivent être de proximité. Comme le reste de la société, les assiettes ont évolué : elles sont plus légères, avec moins de sauce, moins de sel moins de sucre, plus axées sur le produit pur.
Quelles sont les recettes indétrônables, celles qui suivent la famille Grimaldi de génération en génération ?
Ah mais je ne vous dis pas tout ! Par contre vous retrouverez les petites faiblesses des Princes depuis Honoré II. Il y a un quatre-quarts aux citrons de Menton que les enfants de la Princesse Caroline ont appris à faire, mais aussi des pains bagnats exclusifs ou encore le fameux Barbajuans, ces petites ravioles juste passées à la friteuse avant d'être servies : c'est une spécialité monégasque absolument addictive.
D'où viennent les produits ?
Les produits viennent de leur jardin de Roc Agel, comme les œufs, les légumes, certains fruits et, depuis peu, des fromages. Les produits de la mer sont ceux du pêcheur Éric Rinaldi. Les citrons viennent de Menton, comme certains fruits ou certains autres légumes.
Parlez-nous un peu du jardin...
Le jardin est celui de leur villa privée en haut du Mont Agel qui surplombe Monaco. Il y a une serre et quelques pieds de maïs de tomates, de fleurs, de courgettes, mais aussi plusieurs sortes d'arbres fruitiers. Deux jardiniers s'occupent du jardin potager. Deux autres personnes s'occupent du poulailler et des vaches. Le jardin est simple et bucolique, tout proche de la villa.
Si vous deviez garder un seul souvenir de ces moments ?
Une discussion avec le Prince Albert dans les jardins du Palais, c'était une jolie promenade dans un lieu ultra privé avec vue plongeante sur Monaco. Là, il m'a parlé de ses souvenirs de petit garçon, de ces jardins qu'il aime tant et de son engagement pour la préservation du thon rouge de méditerranée.
Une anecdote ?
Il était attendu pour une audience et moi je continuais à parler comme toujours sans m'arrêter mais il m'écoutait et avait l'air de s'intéresser à ce que je disais. C'est son point fort. Ce Prince de la tempérance a une écoute sincère. C'était vraiment un très joli moment jusqu'à ce que le protocole me rappelle à l'ordre.
Un plat ?
Nous avons aimé faire les deux plats d'Afrique du Sud qui sont des plats mijotés. Cela leur va bien de se retrouver à la Table des Princes.
Une saveur ?
L'omniprésence du citron de Menton et des fleurs de courgette.
Infos pratiques :
Palais de Monaco : à la table des Princes
Hachette Cuisine
Prix TTC France : 24.90 €
Format : 198 x 252 mm
224 pages