Plongée dans l'univers du Lillet

Cet apéritif bordelais a su garder sa recette secrète depuis sa création, en 1897. Racheté par la société Ricard (groupe Pernod Ricard) en 2008, il revient en force pour l'été. Visite à la source, à Podensac (Gironde).

Non le Lillet ne vient pas de Lille (!), mais de Podensac, dans la région de Bordeaux. D'ailleurs, cet apéritif à base d'orange et de vin, puise sa force dans le cépage local. Sémillon, Merlot, Sauvignon, Cabern et Sauvignon se disputent ses faveurs. Il fut inventé par Paul et Raymond Lillet, deux jeunes (17 et 20 ans à l'époque) liquoristes et négociants en vins fins et spiritueux qui ont fondé leur société en 1872. Ces derniers élaborent des sirops et marmelades dans de grands chaudrons dans l'enceinte du bâtiment toujours là mais transformé aujourd'hui en musée. Fascinés par le progrès, ils sont parmi les premiers à s'équiper en machine à vapeur. 

De médicament à apéritif de luxe

L'eau, qui n'est pas encore traitée de manière généralisée, véhicule à cette époque de nombreuses maladies. Le vin de table lui est généralement préféré comme alternative. Dans le même temps, le quinquina, une écorce d'arbuste originaire de la Cordillère des Andes, est de plus en plus utilisé pour ses vertus curatives, notamment via les vins toniques comme le Dubonnet par exemple.  Les frères Lillet ont ainsi l'idée de fabriquer une boisson qu'ils appellent le "Kina Lillet" en 1897. Elle est réalisée à partir d'un mélange de quinquina, de liqueur de fruits et de vin de Bordeaux. Cette boisson se veut parfaite pour se "requinquer" et est alors vendue en pharmacie. Avec le temps, le mot "Kina" disparaît au profit de Lillet tout seul et la boisson devient prisée pour l'apéritif. 

D'apéritif régional, à produit national

Dans les années 1930, le Lillet connaît un âge d'or avec une production de 800 000 litres et s'exporte dans les colonies, en Angleterre et jusqu'aux États-Unis où il rencontre un grand succès. La duchesse de WIndsor (qui ne voyageait jamais sans son Lillet) ou le personnage phare de Ian Fleming, James Bond (fan d'un cocktail à base de Martini et de Lillet : le "Wesper"), deviennent ses meilleurs ambassadeurs. Alors que dans les années 1950 les ventes chutent en France en raison d'une forte taxation et de la concurrence d'autres alcools forts comme le whisky, elles augmentent dans les pays anglo-saxons jusqu'à atteindre 80% des ventes. On trouve désormais le Lillet dans les hôtels de luxe et les transatlantiques. En 1985, la famille Lillet revend la société au Français Bruno Borie, ancien directeur de communication chez un négociant à Bordeaux. Ce dernier lui donne un second souffle. De nouvelles techniques d’œnologie sont utilisées et les chais sont agrandis pour réaliser les assemblages sur place. La sélection des vins se fait aussi plus rigoureuse avec un terroir plus affiné. Bruno Borie revend en 2008 à la société Ricard. La gestion de l'entreprise reste cependant très familiale (ils sont 8 en tout) et jusqu'à peu, Pierre Lillet, petit-fils des fondateurs, continuait de veiller au grain en rendant régulièrement visite à Jean-Bernard Blancheton, maître de chai depuis 20 ans.