Bernard Loiseau, la passion des étoiles

Bernard Loiseau a eu le temps de marquer l'histoire de la cuisine française, malgré sa mort tragique à l'âge de 52 ans. Ses restaurants, dont le mythique Côte d'Or, à Saulieu, rebaptisé Le Relais, permettent de faire perdurer ses recettes… Retour sur le parcours de ce chef hors pair.

Bernard Loiseau, la passion des étoiles
© SOLA/SIPA

En quelques années de travail passionné, l'enfant de Chamalières a décroché trois étoiles au Guide Michelin. Son amour des produits simples et savoureux, ainsi que ses gestes précis, ont fait de lui le chef cuisinier le plus apprécié et médiatisé des années 1980.

Une biographie étoilée

"J'étais tout le temps fourré dans la boutique, j'ai grandi entre les terrines, les saucisses et les têtes de veau". C'est ainsi que Bernard Loiseau se confie sur son enfance passée dans la charcuterie familiale à Chamalières, dans le Puy-de-Dôme. Né le 13 janvier 1951, cet Auvergnat hérite de sa mère la passion pour une cuisine simple et savoureuse, comme le rappelle sa femme Dominique dans une biographie consacrée à son mari. À l'âge de 17 ans, le jeune homme commence son apprentissage aux côtés de Jean et Pierre Troisgros, au sein de l'établissement Les Frères Troisgros situé dans la ville de Roanne. Quinze jours plus tard seulement, le restaurant se voit attribuer sa troisième étoile au Guide Michelin. C'est la révélation. Dès lors, Bernard Loiseau se fixe un objectif : "Un jour, j'aurai trois étoiles !"

En 1971, il décroche son CAP de cuisine et, de fil en aiguille, commence à travailler en tant que chef cuisinier à La Barrière de Clichy dans les Hauts-de-Seine. Il est embauché par l'un de ses mentors, le chef Claude Verger. Fréquenté par des gens du spectacle et des journalistes, l'établissement donnera le goût des médias à Bernard Loiseau. Quelques expérimentations culinaires (mais aussi quelques déceptions plus tard), il changera de lieu de travail. Après un séjour au Frantel de Clermont-Ferrand, le chef est rappelé à Paris pour diriger un nouveau restaurant dans le quartier de l'Opéra, La Barrière Poquelin.

C'est au cours de son travail dans cet établissement, en 1974, que les critiques gastronomiques le nomment "futur grand de la profession". L'année suivante, Claude Verger rachète La Côté d'Or, à Saulieu, un établissement mythique et adapté aux ambitions grandissantes du jeune loup de la gastronomie française, alors âgé de 24 ans. Malgré quelques difficultés rencontrées avec le personnel de l'établissement, Bernard Loiseau y obtient sa première étoile au Guide Michelin en 1977.

biographie-bernard-loiseau
© SOLA/SIPA

Perfectionniste et exigeant, le jeune chef se consacre pleinement à sa passion, bien décidé à gravir les échelons et à atteindre son but. En 1981, une deuxième étoile vient s'ajouter à la première. La même année, il publie le premier d'une série de livres, L'Envolée des saveurs, et multiplie ses interventions dans les médias. "Bernard était shooté au succès", témoigne ainsi son ami, le présentateur de télévision Christophe Dechavanne, qui avait l'habitude de le recevoir sur ses émissions. Le "personnage Loiseau" prend ainsi forme, tandis que ses projets se multiplient... Rachat de La Côte d'Or, prix variés, élection de cuisinier de l'année en 1986, partenariats avec les industriels de l'agroalimentaire, ouverture d'une boutique à son nom… rien n'arrête cet ambitieux en pleine ascension professionnelle.

En mars 1991, Bernard Loiseau obtient sa troisième étoile et réalise ainsi la promesse de ses débuts. Cerise sur le gâteau, il fait la Une du New York Times en 1995. Trois ans plus tard, on peut lire dans les colonnes du quotidien Les Echos : "Bernard Loiseau sera le premier grand chef côté en Bourse".

Après des années de succès, une ombre vient assombrir le tableau. Fatigué par le rythme soutenu de ses journées, et accablé par une critique négative insinuant la perte de sa troisième étoile, le chef est anéanti. Il se donne la mort le 24 février 2003, à l'âge de 52 ans.

Des établissements mythiques et médiatiques

Le nom de Bernard Loiseau est indissociable de celui de La Côte d'Or (Saulieu, en Bourgogne-Franche-Comté). Le grand chef y a fait ses armes en 1971, âgé seulement de 24 ans, et l'a finalement racheté en 1982. Il en a fait un des établissements les plus réputés de l'Hexagone. Aujourd'hui, le restaurant rebaptisé Le Relais propose un service d'hôtellerie et un complexe spa.

Au milieu des années 1990, la popularité grandissante de Bernard Loiseau lui permet d'investir dans deux restaurants à Paris : Tante Louise, dans le 8e arrondissement, rebaptisé Loiseau Rive Droite et Tante Marguerite, dans le 7e, appelé aujourd'hui Loiseau Rive Gauche. Il développe également une gamme de plats préparés pour la grande distribution.

Après la mort du chef, son épouse Dominique Loiseau et son ancien bras droit, le chef Patrick Bertron, ont pris le relais. Ils ont créé un quatrième restaurant en 2007, Loiseau des Vignes, à Beaune, qui a obtenu une étoile au Guide Michelin en 2010. Vient ensuite Loiseau des Ducs à Dijon, en 2013, avec son bar à vin La Part des anges. L'établissement a également eu droit à une étoile en 2014. Et enfin, le Loiseau des Sens, à Saulieu, un second restaurant-extension qui vient s'ajouter au Relais Bernard Loiseau et qui propose une cuisine diététique au label bio.

Une cuisine simple et légère

Dès ses premières expériences de travail en tant que chef cuisinier, Bernard Loiseau se démarque. Son style se caractérise avant tout par des déglaçages à l'eau et des sauces sans farine. Ce fameux déglaçage deviendra ainsi une référence dès les années 1980 ! En répétant son mantra "Le produit ! Rien que le produit !", Bernard Loiseau invente une cuisine originale tout en limitant l'utilisation de matières grasses et le sucre. Son ambition ? Sublimer les aliments, et surtout : ne pas dépasser plus de trois saveurs dans l'assiette.

Des recettes avec du goût, rien que le goût

Fidèle à ses souvenirs d'enfance, Bernard Loiseau a mis un point d'honneur à exalter les saveurs des classiques comme les jambonnettes de grenouilles à la purée d'ail et au jus de persil, le ris de veau doré à la purée de pommes de terre truffée, ou encore, le filet de bœuf de Charolles cuit au foin en croûte d'argile.

Des accompagnements simples et délicats, comme la fondue d'échalotes et la sauce au vin rouge, se marient à la perfection avec un sandre à la peau croustillante. Et pour finir (en beauté !) : une rose des sables à la glace pur chocolat et son coulis d'oranges confites vient ravir les papilles des plus gourmandes, sans jamais les noyer dans le sucre.

Pérenniser un nom et une œuvre

dominique-loiseau
© BENAROCHSIPA

Après avoir travaillé pendant de nombreuses années aux côtés de son mari - qu'elle a épousé en 1989 - Dominique Loiseau a repris les rennes de la société Bernard Loiseau SA. Quelques jours après le décès du chef, elle est nommée Présidente-Directeur Général par le Conseil d'Administration. "Je me devais de pérenniser cela pour lui, pour mes trois enfants et mes collaborateurs", explique-t-elle. Aujourd'hui, elle est la première femme à avoir occupé le poste de vice-présidente de la chaîne Relais & Châteaux, de 2005 à 2013.

Ses enfants semblent avoir hérité de la passion pour la restauration. L'aînée, Bérangère Loiseau, a obtenu un master de gestion ainsi qu'un CAP de cuisine. Elle travaille pour le groupe Bernard Loiseau en tant que responsable marketing. Le fils, Bastien, est diplômé de l'école hôtelière de Lausanne et travaille à Paris. Et enfin, la cadette, Blanche, fait ses études à l'Institut Paul Bocuse en section "Arts culinaires et management de la restauration". Ainsi, toute la famille fait vivre l'œuvre et le nom de Bernard Loiseau. Petit clin d'œil à sa mémoire : Bernard Loiseau a été l'inspiration pour le personnage de Gusteau dans le film d'animation Ratatouille, sorti en 2007.