Pénurie de moutarde : où en est-on ?

Les pots de moutarde sont enfin de retour dans les rayons de nos supermarchés. Pour autant, la situation n'est pas revenue totalement à la normale. Quand cela arrivera-t-il ? Pourquoi cette pénurie ? Explications.

Pénurie de moutarde : où en est-on ?
© Iakov Filimonov / 123rf

[Mis à jour le 14 octobre 2022 à 13 h 00] Alors que nous nous inquiétons désormais de la pénurie d'essence, il y en a une qui va pouvoir de nouveau nous monter au nez : la moutarde. Depuis le printemps 2022, absente de nos rayons ou limitée à l'achat, elle a de nouveau pointé le bout de son nez ces dernières semaines. En septembre déjà, Luc Vandermaesen, président de l'Association moutarde de Bourgogne (AMB) annonçait un retour du condiment au mois d'octobre tout en tempérant que la pénurie n'était pour autant pas terminée.  

Pourquoi avons-nous de nouveau de la moutarde ?

Si la situation s'est améliorée, c'est principalement grâce aux agriculteurs français : ils ont doublé et relocalisé leurs productions de moutarde. 2 000 tonnes de graines supplémentaires ont été récoltées au début de l'été, selon le président de l'AMB, interrogé par BFMTV. En juin 2022, un appel avait été lancé afin d'inciter les producteurs à multiplier leurs surfaces de récolte de graines. Certains agriculteurs se sont aussi remis à semer des graines de moutarde. Un producteur de Côte-d'Or a affirmé à radioclassique que la tonne se vend désormais 1200 euros de plus qu'il y a trois ans. De quoi attirer ou faire revenir des producteurs supplémentaires. Ils sont d'ailleurs passés de 160 à plus de 500, selon le site Capital L'amélioration de la situation est aussi due à une forte augmentation de la production de graines de moutarde au Canada. Le pays a atteint 225 000 hectares de production, soit une augmentation d'environ 80%. 

Pourquoi la France était en pénurie ?

La pénurie a fait rage essentiellement à cause d'une vague de sécheresse ayant touché le Canada. Environ la moitié des récoltes totales de 2021 avaient été amputées. Problème : ce pays fournit 80% des graines en France. Du côté des agriculteurs français, les quatre dernières années ont été difficiles pour les récoltes de graines de moutarde. Non seulement à cause du climat avec des épisodes de gels printaniers et de grêles, mais aussi à cause de l'invasion d'insectes. À noter aussi que les Français sont parmi les plus grands consommateurs de moutarde de Dijon. Une raison qui explique pourquoi la pénurie n'a pas touché tous les pays d'Europe comme l'Espagne, l'Italie ou même le Danemark. Avec une consommation moindre dans ces pays, les stocks des magasins durent plus longtemps.

À quand le retour à une situation totalement normale ?

Si certains prédisaient un retour à la normale en 2024, cela pourrait finalement se faire en janvier 2023. Cité par Capital, le président de l'AMB affirme que la pénurie devrait "totalement disparaître début 2023. "Même si la production française a été très bonne cette année, elle ne représente que 20% des graines utilisées dans la production de moutarde en France.

Un facteur supplémentaire reste à prendre en compte : le coût de production. En raison de la hausse du prix de l'énergie et des exploitants, les pots de moutarde seront très probablement vendus plus cher. Et ce n'est pas la seule raison. "Les prix [des graines] restent très élevés et il y a une forme de spéculation des Canadiens, qui sont ultradominants", explique Luc Vandermaesen sur radioclassique. En effet, le pays outre-Atlantique pèse sur les productions de moutarde françaises par son apport à 80% des graines et donc sa domination du secteur. De plus, la situation ne s'est pas améliorée avec la guerre en Ukraine. "Sans ce conflit, on aurait demandé à des agriculteurs ukrainiens de cultiver la graine brune au lieu de la graine jaune", affirme le dirigeant de la moutarderie Reine de Dijon, troisième producteur français. Si cela avait été possible, "les Canadiens nous auraient proposé des prix plus avantageux car ils auraient eu de la concurrence". 

Il faudra encore attendre un moment pour mettre des chiffres sur cette augmentation. La récolte outre-Atlantique arrivera d'ici la fin de l'année, le temps que les graines soient contrôlées et transportées en bateau jusqu'au continent.