Babette de Rozières met les pieds dans le plat
Aux fourneaux de son émission Les p'tits plats de Babette sur France Ô, la pétillante Babette de Rozières nous régale tous les dimanche à 11h15 de sa cuisine créole et de terroir. Hyperactive, cette passionnée de cuisine est aussi aux commandes de La Case de Babette et à la tête du 1er salon de la Gastronomie d'Outre-mer. Elle nous parle sans langue de bois de son univers.
Pouvez-vous nous parler de votre émission Les p'tits plats de Babette ?
L’âme de l’émission, c’est montrer la vraie cuisine et la faire aimer. Avec de la volonté, cuisiner n’a rien de compliqué. Je souhaite aussi faire voyager les téléspectateurs en proposant des recettes et des techniques des régions d’outre-mer. Je veille à ce que les plats à connotation exotique soient systématiquement réalisables avec des produits que l’on trouve en métropole. Il y a aussi une séquence au marché qui permet de montrer la richesse des produits que l’on y trouve. J’y invite une personnalité qui ne sait pas toujours cuisiner afin qu’elle pose les questions que les téléspectateurs aimeraient me poser. Pour que mes recettes soient saines et équilibrées, je reçois les conseils d’un nutritionniste qui apporte son expertise sur les produits utilisés et leurs bienfaits. Sur le plateau, on cuisine à quatre mains avec Emmanuel Maubert voire six lorsqu’il y a un invité, le tout dans la bonne humeur. Si on devait résumer l’émission ce serait : vraie cuisine, simple et joyeuse.
Vous qui manipulez souvent les épices, trouvez-vous le palais des français réceptif ?
A propos des épices, j’insiste sur le fait qu’épicer n’est pas pimenter. La cuisine créole n’est pas pimentée. En général, le piment est proposé en marge du plat pour permettre à chacun de le doser à l’envi. Personnellement, je mange peu de piment. J’en ajoute quelques gouttes pour rehausser, donner du pep’s. Concernant les Français et plus largement les Européens, ce sont ceux qui réclament le plus de piment. Je l’ai observé dans chacun de mes établissements et c’est encore le cas dans mon restaurant La Case de Babette où je sers toujours le piment dans des petits compotiers à part. Très souvent, il est vidé en quelques minutes.
Vous avez récemment organisé le premier salon de la Gastronomie des Outre-mer. Pourquoi vous être lancée dans ce projet ?
Pour donner de la visibilité à cette gastronomie. Hors périodes électorales, qui parle des Outre-mer ? Dans les salons, les stands sont "parqués", peu visibles. Cela fait plusieurs années que je me bats auprès du gouvernement pour la protection et la promotion du patrimoine culinaire et culturel des Outre-mer. J’en ai eu assez d’attendre, j’ai donc décidé de monter l’événement moi-même avec mes moyens et des partenaires dont Rungis, la RATP, Ipsos et France Télévisions. J’ai aussi eu le soutien du Ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll, de la Maire de Paris Anne Hidalgo qui m’a dit "Babette, je ferai tout ce que tu veux pour t’aider dans ce projet car c’est une excellente idée" et de George Pau-Langevin lorsqu’elle a été nommée Ministre des Outre-mer. Le salon a remporté un grand succès et j’embraie sur le second qui sera sous le haut patronage du Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius car il aura pour thématique la gastronomie ET le tourisme, éminemment liés. La gastronomie, c’est une composante fondamentale d’un voyage. Lorsque je voyage, mon premier contact avec le pays se passe dans l’assiette… Si mon ventre n’est pas content, j’ai envie de partir.
Que pensez-vous du label fait maison ?
Cela ne concerne pas mon établissement. Chez moi, tout est fait maison. Je ne sais pas ce que c’est que d’aller au supermarché acheter des plats tout prêts ! D’ailleurs, je vous mets au défi de trouver du colombo d’agneau ou de la langouste à l’antillaise sous vide. Cela n’existe pas car l’essence même de la cuisine créole est du fait maison. Je trouve cela scandaleux de duper les clients sous prétexte de facilité. Ceux qui font cela ne sont pas chefs. Un chef, c’est celui qui compose une brigade de personnes qualifiées pour réaliser des sauces, de la pâtisserie, des cuissons, etc… Ce n’est certainement pas quelqu’un attiré par l’appât du gain qui ne sait pas ce qu’est une cuisine, qui met des produits à réchauffer ou qui utilise des malgaches, indiens ou africains sous-payés parce que sans papiers pour le faire… Un autre sujet qui me met en colère et qui fera très mal lorsque j’en parlerai haut et fort ! Je trouve malheureux qu’on doive instaurer un tel label mais c’est important pour les clients, pour redorer le métier de chef et pour tous ceux qui gravitent autour de lui. Utiliser des produits tout faits tue aussi les petits commerçants. Le label d’accord, mais à condition d’avoir l’amour de la cuisine et la respecter.
Vous êtes un peu une pionnière de la cuisine à la télévision…
Et la première personne de couleur qui a osé parler des épices et des produits exotiques à la télévision. J’ai d'ailleurs fait plusieurs chaînes pour leur donner de la visibilité. La 3, la 2, Canal + et pendant 6 ans chez Sophie Davant jusqu’à ce que William Leymergie me dise que j’étais trop visible. Je suis évidemment tombée des nues… Mais je suis fière de pouvoir dire que c’est grâce à moi que les téléspectateurs aient pu s’ouvrir aux produits d’Outre-mer.
La télévision française serait-elle raciste ?
A part moi, avez-vous vu une personne de couleur sur la télévision publique ? Lorsqu’Harry Roselmack est arrivé sur la première chaîne, on m’a contactée pour savoir ce que j’en pensais. C’était un événement alors que chez nos voisins anglo-saxons, cela n’a rien d’extraordinaire. Sans rentrer dans le débat, je constate juste que je me suis battue pendant des années pour avoir une émission et qu’on ne me donnait en retour que des chroniques. Aujourd’hui, je suis ravie d’avoir ma propre émission sur France Ô et je suis ravie aussi de la cuisine que je propose sur France 5 dans C à vous. Je ne souhaite pas être cataloguée « cuisine exotique ». Ce que je propose, c’est de la cuisine d’ici et d’ailleurs qui fait voyager les papilles.
En parlant de voyage, y’a-t-il une gastronomie que vous préférez parmi toutes celles que vous avez goûtées ?
Je me régale volontiers de toutes les cuisines du monde mais j’avoue que les cuisines françaises et d’Outre-mer restent mes préférées. Quoi de plus savoureux qu’une blanquette traditionnelle pour se réchauffer l’hiver ? Quoi de meilleur qu’un bon steak de qualité avec de bonnes frites maison ? Les gastronomies française et d’outre-mer sont tellement riches de produits et tellement diversifiées selon les régions que l’on peut largement s’en contenter. Ce n’est pas un hasard si notre gastronomie est inscrite au Patrimoine immatériel de l’UNESCO. Le monde nous envie notre bien et bon manger, le ballet des amuse-bouches, entrées, plats, fromage et dessert… Pourquoi aller voir ailleurs ?
Qu’est-ce qui vous donne la pêche ?
En tant que cuisinière, voir mes assiettes revenir essuyées, léchées. Là, je pète la forme ! En tant que gourmet, déguster un plat goûteux, sans faute qui écarquille mes papilles. J’aime la cuisine simple pas chichiteuse préparée avec de bons produits. Les fleurs, la déco, cela ne m’intéresse pas.
La cerise sur le gâteau ?
Vous êtes mal tombée car je n’aime pas les desserts… Mais j’adore tous les fruits de mon île. Une bonne mangue, mmmh, un ananas bien sucré, mmmh, une papaye à chair épaisse et bien sucrée je craque, je fonds même.
Racontez-vous des salades ?
Je la cuisine et même de toutes les sortes.
Quel est le piment de la vie ?
La santé d’abord. Bien vivre, c’est essentiel. Vivre avec les autres c’est encore mieux.
Où vous voyez-vous lorsque vous serez fripée comme une pomme reinette ?
Dans mon île avec un petit restaurant de deux ou quatre tables pour accueillir les gens qui viendraient voir "Mamie Babette" en tenue créole. Je mijoterai de bons petits plats et je chanterai sûrement pendant le repas. J’adore chanter. Ce serait une fin de vie agréable, non ?
Qu’est-ce qui ne vous met pas dans votre assiette ?
Le mensonge, la trahison.
Une recette qui n’est pas du gâteau ?
Le crabe farci. Il faut décortiquer toutes les pinces pour récupérer la chair et cela peut prendre des heures et des heures. C’est sûrement la recette la plus difficile de la cuisine créole.
Les p'tits plats de Babette sont à découvrir tous les dimanche à 11h15 sur france Ô et en replay sur Franceô.fr