Droit de bouchon : c'est quoi cette pratique presque taboue en France ? La réponse d'un pro de la restauration

Connaissez-vous le droit de bouchon ? Ce professionnel nous explique concrètement comment cette pratique s'applique dans les restaurants en France.

Droit de bouchon : c'est quoi cette pratique presque taboue en France ? La réponse d'un pro de la restauration
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Ici, l'intitulé est quelque peu mal choisi. En effet, il s'avère que ce "droit" de bouchon n'en est pas vraiment un : "À ce jour, il n'existe pas de texte de loi qui encadre ce concept", nous explique Tieng Ma, ancien professeur des arts de la table et responsable du Charles, le restaurant d'application de l'école hôtelière Luxury Hotelschool Paris. En réalité, il s'agit plus d'un usage que d'un droit. Dans l'usage, ce concept permet au client d'économiser quelques euros en apportant sa propre bouteille de vin au restaurant plutôt que de commander un vin plus cher à la carte. Voilà qui semble intéressant à bien des égards… Hélas, dans la pratique, c'est un peu plus complexe que cela.

Le droit de bouchon, qu'est-ce que c'est exactement ?

Le principe est simple : le client apporte son propre vin au restaurant plutôt que d'en choisir un à la carte. Le restaurateur choisit ensuite d'appliquer ou non une contrepartie financière pour compenser le manque à gagner. Si ce concept est largement répandu à l'étranger, notamment en Angleterre et en Asie, celui-ci peine à s'imposer en France. En effet, les restaurateurs français semblent beaucoup plus réticents à l'appliquer : "C'est un phénomène assez rare en France. Et pour cause ! Entre le service et le nettoyage des verres, cela exige du travail non rémunéré pour le personnel", explique Tieng Ma. Avec la TVA et les autres taxes qui pèsent sur les restaurants, le droit de bouchon est peu rentable en France. Mais il s'agit aussi d'une question culturelle : "Lorsque je voyage en Chine, il m'arrive régulièrement de commander des bouteilles de vin sur internet et de les faire livrer directement au restaurant ! Là-bas, on ne paye pas de droit de bouchon et les restaurateurs sont beaucoup plus ouverts sur la question", témoigne Tieng Ma. En France, le sujet est presque tabou. D'une part, parce que la carte des vins participe beaucoup à l'image des restaurants et d'autre part, car la marge réalisée sur les vins représente l'un des bénéfices les plus importants pour eux.

Il n'existe pas de prix fixe pour le droit de bouchon, mais la fourchette est toujours à-peu-près la même. "En règle générale, le restaurateur demande entre 10 et 20 euros la bouteille. "Au-delà de 20 euros, il s'agit d'un abus", indique Tieng Ma. Mais il y a aussi de bonnes surprises : "Il arrive parfois qu'on ne vous demande pas de payer, poursuit-il. Pour le restaurant, c'est un calcul coûts-bénéfices. Il vaut toujours mieux une table remplie de convives qui ne payent pas leur vin plutôt qu'une table vide !".

Un restaurant peut-il refuser le droit de bouchon ?

"C'est au bon vouloir du restaurateur, résume Tieng Ma. Il peut tout à fait refuser un droit de bouchon". Pour éviter de se casser le nez en apportant une bouteille qui risque d'être refusée, "Il est important d'appeler le restaurant à l'avance pour lui faire part de votre demande", conseille Tieng Ma. Pour mettre toutes les chances de votre côté, précisez qu'il s'agit d'une occasion spéciale, comme d'un anniversaire par exemple, et que le vin a justement été sélectionné pour faire plaisir à l'intéressé. En revanche, si le vin que vous envisagez d'apporter est déjà affiché à la carte du restaurant, "Cela ne vaut pas le coup de demander", affirme Tieng Ma. Et si le restaurateur accepte votre demande, faites-vous discret à table. Celui-ci appréciera que cela ne s'ébruite pas auprès des autres clients, qui seraient ensuite tentés de faire la même chose !