Gérald Passédat, la quintessence de la Méditerranée
Du Petit Nice, son restaurant marseillais, au Lutetia à Paris, Gérald Passédat chante la cuisine méditerranéenne avec des recettes mythiques. Du couscous à la bouillabaisse, lumière sur ce grand chef.
Comme les Troisgros ou les Pic, les Passédat font partie des grandes fratries du patrimoine gastronomique français. Gérald, 60 ans, œuvre toujours avec brio à Marseille au sein du Petit Nice, maison centenaire au charme intemporel. S'il a également pris les rênes des cuisines du Lutetia, à Paris, le chef trois étoiles reste le plus beau symbole de l'excellence à la marseillaise.
Une biographie entre souvenirs et transmission
Né le 24 mars 1960, Gérald Passédat a grandi dans son restaurant. Ce lieu a été acquis par son grand-père, Germain Passédat, en 1917. Rebaptisé le "Petit Nice" grâce à son environnement exceptionnel, l'établissement attira de nombreux artistes en quête de tranquillité. Jean-Paul, le papa de Gérald, pris la succession en 1954 avec une double casquette de cuisinier-chanteur d'opéra. Le Petit Nice devint alors un hôtel de luxe à la restauration très réputée et couronnée d'une première étoile Michelin en 1977, puis d'une deuxième en 1981.
Forcément, la vocation de Gérald Passédat fut une évidence. "Ces souvenirs en cuisine m'ont transmis la passion de ce métier, un certain goût de la cuisine française. J'ai donc fini par faire l'école hôtelière, puis fait mes classes au Bristol, au Crillon, chez les Frères Troisgros et Michel Guérard." En 1985, il rejoint son père en cuisine en tant qu'apprenti avant de prendre la place de chef cuisinier deux années plus tard. "S'inscrire dans une tradition familiale, c'est une difficulté bien particulière pour un cuisinier. C'est réussir à trouver sa voie tout en conservant l'esprit du lieu." Sa voie a pleinement été trouvée puisqu'il décrocha la troisième étoile en 2008.
À tout juste 60 ans, Gérald Passédat est un chef redoutable, mais également un homme qui a traversé de lourdes épreuves personnelles. Malade, il a subi en 2018 une double greffe du foie qui l'a écarté des cuisines de longs mois. Pleinement remis aujourd'hui, le chef déborde d'ambition pour poursuivre son œuvre gastronomique.
Restaurants : pur marseillais, un peu parisiens
Marseille et Gérald Passédat, une vraie histoire d'amour. En 2013, lors de l'ouverture du Mucem, le chef a ouvert le Môle Passédat, une cuisine bistronomique dédiée à la diversité méditerranéenne. Poissons, viandes et produits de saison y sont à l'honneur. Dans les Docks de Marseille, le chef a également ouvert Albertine. Inauguré en 2016, ce lieu, qui rend hommage à la mère du cuisinier, est pensé comme une bastide familiale de l'arrière pays.
Mais Gérald Passédat n'a pas que Marseille dans la peau ! Outre une brève collaboration au Château La Coste, il a décidé de jeter l'ancre au sein de la célèbre brasserie Lutetia, à Paris. Dans ce lieu pouvant accueillir jusqu'à 180 couverts, le cuisinier fait la part belle aux poissons de Méditerranée, notamment ceux du port de Sète. Une belle réussite en toute simplicité.
Une cuisine sur le vif
Entre tradition et modernité : voilà comment le chef trois étoiles a construit son identité culinaire. "J'ai mis du temps à percevoir la richesse que j'avais sous les yeux… C'est en travaillant sur mes fondamentaux –la richesse de la mer, l'aridité de l'arrière-pays provençal- et en écoutant mon instinct que j'ai forgé ma propre identité culinaire." Comme Olivier Roellinger en Bretagne ou Christopher Coutanceau en Atlantique, Gérald Passédat est un fervent protecteur de la mer et de ses métiers. À la carte du Petit Nice, il met toujours en exergue celles et ceux qui lui apportent ses produits.
Au fil des saisons, ce sont près de 65 poissons de Méditerranée qui se succèdent à la carte, la plupart méconnus du grand public comme le pagre, le sarran, ou même, la murène. Dans les assiettes, le chef allie les saveurs iodées et salées en y ajoutant des jus, des consommés mais également des épices et des herbes provençales. Le résultat est vif, tranchant et colorée.
Recettes : des classiques revisités
Les anémones de mer en onctueux iodés, le lait mousseux au caviar, les rougets de roche panurés, les pistaches et consommé d'anis étoilé ou encore le tronçon de loup aux truffes de Lucie Passédat sont les spécialités du chef, d'après l'ouvrage de Véronique André "Petits secrets de Grands chefs", paru en septembre 2021 aux éditions Hachette Pratique. Parmi les recettes devenues des signatures incontournables du chef – il aime les partager sur son compte Instagram –, on retrouve la fameuse bouillabaisse. Rebaptisé "bouille abaisse" au Petit Nice, elle se présente par paliers. Tout d'abord sous la forme d'un carpaccio de coquillages crus (moules, clams, palourdes, violets). Puis à travers un plat de poissons détaillés en filets, cuits sur plaque et servis dans un bouillon safrané. Enfin, grâce à une soupe de roche aux favouilles (petits crabes) servie avec trois pièces de poissons cuits entiers. Ce festin marin fait toujours fureur au Petit Nice.
Autre plat signature inoubliable : le Loup Lucie Passédat. Ce savoureux hommage à sa grand-mère met en scène un tronçon de loup paré de rubans de courgettes/concombres et enrobé d'une sauce vierge provençale. Un sommet culinaire qui explique pourquoi la magie Passedat opère sur Marseille depuis plus d'un siècle !