Interview d’Olivier Streiff, le dandy des fourneaux
Il fait partie du trio gagnant de Top Chef et est depuis le début de l’aventure, l’un des favoris de l’émission. C’est à l’occasion de la présentation d’un ketchup dont il signe la recette pour la marque Oliviers & Co, que nous avons rencontré Olivier Streiff. Maquillé, auriculaire verni et vêtu de noir, le chef nous a confié sa vision de la cuisine et est revenu sur son parcours dans Top Chef. Confidences.
Vous avez créé un ketchup pour Oliviers & Co. Qu’est-ce qu’il contient ?
Des légumes, des herbes et des épices tout simplement. Pour qu’il y ait un équilibre, il est important de bien sélectionner les produits de base. Plus on amène de sucre naturel avec les tomates, moins il faudra rajouter de sucre dit « artificiel ». C’est comme pour un hamburger tout simple : si on sélectionne des produits dotés d’une réelle puissance, il n’en sera que meilleur. Ce ketchup c’est ça : il est concentré comme il faut et ne recrache pas d’eau, car tout a été fait avec du respect et du bon sens.
Vous dites que c’est le reflet de votre âme.
Je pense que j’ai eu plusieurs vies. Je ne fais donc que reprendre ce que j’ai déjà dit il y a plusieurs siècles : l’essentiel est dans ce que la nature nous a donné au départ. La nature a bien su faire des modifications génétiques qui ne nous ont pas tuées, alors que celles faites par les hommes, si. Pour réaliser ce ketchup, j’ai respecté les produits comme je respecte la nature.
Parlons de Top Chef. Quelle épreuve vous a le plus marqué ?
Sans hésiter, le battle contre Philippe Etchebest. Il était là pour gagner et il ne nous a pas fait de cadeau. C’était un moment magique car en cuisine, il y avait une émulation, les caméras avaient disparu, il n’y avait plus que nous. C’est à ce moment-là que j’ai compris que l’essentiel dans ce concours, ce n’était pas le fait de passer à la télévision, mais ce que chaque candidat pouvait apporter. D’autres épreuves m’ont marqué comme celles où nous nous sommes rendus chez Alexandre Gauthier et Yannick Alléno par exemple. C’était exceptionnel ! Il y a eu quelque chose de magique, presque hors du temps quand Yannick Alléno m’a été présenté. J’étais très intimidé.
Y-a-t-il d’autres chefs que vous admirez et aimeriez rencontrer ?
Je les ai déjà rencontrés. Ce sont des chefs comme Pierre Gagnaire que j’admire beaucoup, Michel Roth qui était mon idole quand j’étais apprenti... Ce sont des personnes qui ont de véritables valeurs et qui me touchent.
On sait désormais que vous êtes sur le podium. Qui de Kevin ou de Xavier redoutiez-vous le plus ?
A vrai dire, les deux car s’ils sont arrivés aussi loin, c’est parce qu’ils sont doués. Kévin et Xavier ont beaucoup de talent et surtout quelque chose que je n’ai plus : la jeunesse (rires)... Blague à part, on a 20 d’écart avec Xavier ! Quand il m’a appelé « pépé », ça m’a mis une claque, mais c’est un génie.
Qu’est-ce que ça vous fait d’être confronté à des jeunes qui bluffent autant les membres du jury ?
Je suis très fier d’eux ! En fait, pour les demi-finales, on s’est beaucoup aidés, il y avait une très bonne ambiance. L’essentiel est que le meilleur gagne mais surtout, qu’il gagne dans les meilleures conditions. Si quelqu’un ne se sent pas bien, qu’une cuisson dérape ou autre, on en parle. Si je perds, tant pis. Je n’ai pas cet esprit de gagne absolue et si je peux aider, je le fais volontiers. A vrai dire, Kévin et Xavier me donnent de l’espoir en l’avenir. Quand je vois que leur génération a la volonté et l’envie de promouvoir une idée de la gastronomie que je partage, ça me rend heureux.
Un souvenir particulièrement marquant ?
Il y a eu des tas de bons moments, des moments marquants, des moments de partage. Beaucoup de moments en OFF aussi où on se débriefait la journée, on se conseillait… Nous avons passé tellement de temps ensemble, c’était extraordinaire.
Quels sont vos projets ?
En ce moment, je fais pas mal de conseils mais j’aimerai cuisiner de nouveau. La cuisine et le contact avec la clientèle me manquent énormément. Tout ce que je peux dire, c’est que je me rapproche doucement de Paris.
Rêvez-vous d’une étoile ?
L’important n’est pas d’obtenir une étoile ou de se faire appeler « chef ». L’important est que ma cuisine séduise les clients.
Y-avait-il un membre du jury qui vous impressionnait plus qu’un autre ?
Même s’il y avait eu Nietzsche, Oscar Wilde et Jim Morrison, ça ne m’aurait pas impressionné tout simplement parce que je cuisine avant tout pour moi. Je ne peux pas transmettre d’émotion si je ne prends pas de plaisir à faire ce que je fais. Quand je prépare un plat, je me mets dans une bulle et crée quelque chose qui m’inspire. Peu importe si le jury aime ou pas, mais s’il n’aime pas, c’est important que je sache pourquoi pour pouvoir m’améliorer.
Avez-vous gardé contact avec les autres candidats ?
Bien sûr, avec tous. Je suis plus proche de certains comme Julien car nous avons le même âge et la même philosophie. Xavier, je l’ai eu encore hier au téléphone. D’ailleurs, nous nous retrouverons bientôt à Paris pour un dîner à quatre mains. Après l’épisode de la Guerre des Restaurants où notre restaurant n’avait pas pu ouvrir, nous avons reçu des centaines de messages de personnes nous apportant leur soutien et nous témoignant leur tristesse. Nous avons donc décidé de répondre à la demande en ouvrant notre restaurant le temps d’une soirée.