Maroilles, Meaux, Melun : les trois magnifiques des régions Thiérache et Brie
Pour le cinquième volet de notre tour de France des fromages, faisons connaissance avec trois « monuments » emblématiques de nos régions : les Brie de Meaux et de Melun, qu'il est urgent d'apprendre à distinguer, pour leur tendresse et leur onctuosité respectives, et le célèbre Maroilles, à la saveur prononcée et à la couleur irrésistible.
La Brie est une région française, située dans la partie orientale du bassin parisien, et dotée d'une superficie de 5000 km². Elle est, pour ainsi dire, écartelée entre plusieurs départements, de la plus grande partie de la Seine-et-Marne jusqu'à une partie de la Marne, de l'Aisne, plus quelques communes de l'Essonne, du Val-de-Marne, et de la Seine-Saint-Denis. S'étendant sur un plateau au relief peu marqué, traversé de vallées peu profondes, ses paysages sont marqués par une succession d'openfields (c'est à dire un paysage agraire à champs ouverts), mixant culture du maïs, du blé, et de la betterave sucrière. Ces champs sont entrecoupés de massifs forestiers, plus ou moins denses. La partie orientale de la région se distingue par des terres lourdes et imperméables, propices à l'élevage de bovins. Ces derniers produisent le lait nécessaire à la fabrication des différentes variétés de Bries.
Ce qu'il faut retenir du Brie de Meaux (pour ne plus jamais le confondre avec le Brie de Melun) :
Son profil
Il s'agit d'un fromage au lait cru de vache, à pâte molle et
homogène légèrement salée, et dotée d'une croûte fleurie, qui comporte des
moisissures superficielles. Moulé dans des formes cylindriques, d'un diamètre
intérieur de 36 à 37 centimètres, il évoque une sorte de galette, qui pèse
entre 2,6 et 3,3 kg.
Son histoire
En 1379, l'agronome Jéhan de Brie fit paraître un ouvrage
dans lequel il parlait du « brie de Meaux ». Cest, historiquement,
l'apparition de la première dénomination précise de ce fromage.
Plusieurs siècles plus tard, en 1815, fut organisé lors du
banquet de clôture du congrès de Vienne, un concours rassemblant 60 fromages.
Les instigateurs en étaient le prince de Metternich, et l'illustre Charles
Maurice de Talleyrand, prince de Bénévent, grand amateur de Brie de Meaux. Ce
dernier fut proclamé « prince des fromages et premier des
desserts » !
Autrefois, les Bries de Meaux étaient affinés sur place, à
la ferme, avant d'être vendus à des marchands. Mais, au courant du XIXème,
l'affinage devint progressivement réalisé par les marchands eux-mêmes, qui
achetaient les fromages à l'état dit « frais de sel » (c'est à dire
moins de 7 jours, non affinés), et les affinaient dans des locaux spécialement
aménagés. Une fois arrivés à destination, à Paris ou dans les villes
limitrophes, l'affinage se poursuivait encore trois semaines, avant que les
Bries de Meaux ne soient revendus au détail. Nul doute que l'amélioration du
réseau routier et l'apparition du chemin de fer, au XIXème siècle, aient été
des facteurs déterminants pour cette évolution, encouragée aussi par l'usage de
la présure permettant d'obtenir un caillé moins fragile que le caillé de type
lactique ! La conséquence directe en fut un développement de la
fabrication fromagère dans la Marne, la Haute-Marne, et la Meuse.
Les étapes de son affinage
A
quatre semaines d'affinage, il est un fromage « quart affiné » (soit
25% minimum de sa hauteur). Son goût est lacté, frais, légèrement salé, avec une
pointe d'amertume parfois.
Entre
4 et 6 semaines, il s'affine doucement, de la croûte vers le cœur. Sa
consistance passe de cassante à souple, et son arôme se développe
progressivement. Affiné à cœur au bout de 6 à 8 semaines, il acquiert une
consistance souple, un arôme subtil de beurre, de crème et de noisette.
Ce qu'il faut retenir du Brie de Melun (pour ne plus jamais le confondre avec le Brie de Meaux) :
Son
profil
Le Brie de Melun est un fromage fabriqué
exclusivement à partir de lait cru de vache. Il possède une pâte molle et une
croûte fleurie. C'est un fromage à caractère lactique prédominant, et à égouttage lent. Fabriqué dans des moules cylindriques
d'un diamètre de 27 à 28 centimètres, il a la forme d’une galette aux bords
saillants ou arrondis et pèse entre 1,5 et 2,2 kg. Lorsqu’il est affiné, il présente une
croûte fine recouverte d’un fleurage blanc, parsemé de stries ou de tâches
rouges ou brunes. Plus fort, plus robuste, en un mot plus
rustique que son cousin de Meaux, le Brie de Melun possède une pâte onctueuse
et douce, quoique légèrement salée. Lorsqu'il est frais, il est acide, car en
pleine phase de fermentation lactique, mais aussi doux qu'un bol de lait
crémeux...
Son
histoire
Au
XVII, le grammairien Furetière évoque dans son dictionnaire le Brie, très
probablement de Melun. Il en parle comme d’un fromage de garde, et
effectivement, la technologie lactique fait qu’il se conserve plus longtemps
que le Brie de Meaux.
Quand,
en 1830, fut introduite la culture des plantes sarclées, c'est à dire la
betterave, puis le maïs 20 ans plus tard, la production de betterave sucrière
devint rapidement une composante essentielle de la polyculture de la région.
Parallèlement, on retrouvait dans l'alimentation du bétail un grand nombre de sous-produits
de céréales et aussi des tourteaux. Le lait ainsi produit, relativement pauvre
en matière grasse, mais riche en matière protéique, bénéficie d'une excellente
aptitude fromagère.
A l’époque, on fabriquait des fromages de
toutes dimensions et de tous poids : les moules correspondaient à la quantité
de lait disponible sur l’exploitation. Les bries grands moules étaient produits
sur les grandes exploitations et les fromages de petite taille sur les petites
exploitations. Puis, les conditions de fabrication s’améliorèrent. C'est à
cette époque que les savoir-faire de Meaux et de Melun se différencièrent
nettement : le Brie de Melun de petite taille avec une technologie de type
lactique et son cousin le Brie de Meaux de plus grand format avec une technologie
de type caillé présure. En effet, le caillé de type lactique est friable, ce
qui rend délicate la manipulation des fromages, en particulier pour les
retournements.
En 1900, l’agronome A. Vivier publie un
ouvrage intitulé Fromage de Brie de Melun, dans lequel il donne l’origine de ce
fromage, sa méthode d’obtention et les résultats financiers de l’époque.
Depuis, la technique de fabrication du Brie de Melun n'a guère varié : le
temps d’emprésurage est long. Le caillé est brisé et moulé en une seule fois.
Les
étapes de son affinage
Celui-ci
est fixé au minimum à cinq semaines à compter du jour d'emprésurage. Quand il
atteint ce délai, le Brie de Melun est un fromage de couleur
blanche. Il a une pâte friable, légèrement coulante sous croûte.
Sa saveur, d’abord lactée, évolue en goût évoquant la levure, puis en une
acidité légère et ronde en bouche.
Entre 5 et 8 semaines, il s’affine
doucement de la croûte vers le coeur, sa consistance s’assouplit. Son arôme se
développe. Au bout de 8 à à
10 semaines, le Brie de Melun est affiné à coeur, sa pâte est
homogène et de teinte crème uniforme, sa consistance est souple à légèrement
coulante. Il possède une pointe d’amertume, un goût de lait et une saveur
persistante. Il a une odeur équilibrée entre l’animal et le végétal.
Pour obtenir une fleur régulière sur les
deux faces, il est nécessaire de faire un retournement régulier, au moins une
fois par semaine : en effet, les Bries de Melun sont retournés
manuellement pendant toute la durée d'affinage, qui peut être effectué sur des
planches en bois.
La Thiérache, un réservoir de la biodiversité
Région
naturelle regroupant à la fois des régions de France et de Belgique, la
Thiérache comporte des traits paysagers similaires entre les deux pays :
présence du bocage, de l'herbage, et des terrains vallonnés. Située au nord-est
du département de l'Aisne, elle déborde sur les départements du Nord, des
Ardennes, et des provinces belges du Hainaut et de Namur. Sa richesse en forêts
et en prairies est exceptionnelle : la tradition en ayant fait un pays de
bocage, elle a su préservé ce maillage si particulier au fil des siècles. Au
XIX ème siècle, le chemin de fer « décloisonne » peu à peu la région,
et les cultures de faible rendement, telles les céréales, sont abandonnées au
profit de l'élevage et de la production de beurre. Le lait subsistant,
transformé en fromage, a permis de donner naissance à une véritable industrie
fromagère, fierté de la région.
Le Maroilles, un enfant du pays
Le maroilles est un fromage à croûte lavée, fabriqué exclusivement avec du lait de vache. Il a la forme d’un parallélépipède à pâte molle et fermentée, de couleur jaune paille. Son poids habituel, est de 360 g.
Son
profil
Doté
d'une croûte rouge-orangé plus ou moins foncée, il possède une pâte souple au
toucher, et exhale une odeur puissante, franche et caractéristique, légèrement ammoniaquée. En bouche, il
révèle un goût lacté, légèrement salé, aux traces légères d'acidité et
d'amertume, qui s'équilibrent avec l'âge pour composer une saveur plus franche
et plus typée. Son bouquet, à la fois fin et puissant, n'a rien de
rustique : de là vient sans doute le célèbre slogan, fierté des
producteurs de Maroilles : « le plus fin des fromages
forts ! ».
Son
histoire
Il tire son nom de la commune éponyme de l'Avesnois, dans
le Nord de la France. Dès le VII ème siècle, les moines de l'abbaye locale
transformaient paraît-il, le lait en fromage. Un secret et un privilège bien
gardés jusqu'au XI ème siècle, période où la fabrication fut étendue aux
villages voisins. Si la fabrication fut cantonné durant de longs siècles à
l'Avesnois, tout changea dès le Second Empire : les herbages luxuriants de
la Thiérache, mis à contribution, la zone de production gagna de plus en plus
sur l'Aisne. Définitivement considérée comme une région herbagère, la Thiérache
devint également un point névralgique de la production laitière.
Les étapes de son affinage
De 1 à 2 mois : la pâte est jeune et
crayeuse.
De 2 à 3 mois, la pâte s'affine et le goût
s'affirme
Enfin, de 3 à 4 mois, la pâte est souple,
et son goût est prononcé.
RECETTES
Soupe aux épinards et Brie de Melun par Hisayuki Takeuchi
Pour 4 personnes
Ingrédients : 300 g d’épinards, 1 litre de fumet de poisson ou fond de volaille, 100 g de Brie de Meaux ou de Melun, 100 g de miso blanc, Un peu de crème liquide, Un peu de feuille de nori froissée, Un peu de caviar
Lavez les épinards puis passez-les au mixeur avec le fumet de poisson ; versez le tout dans une casserole et faites chauffer. Petit à petit, la chlorophylle remonte en surface. Écumez et réservez le liquide dans un cul-de-poule.
Ajoutez le Brie de Meaux ou de Melun, coupé en dés pour
qu’il fonde facilement, et le miso blanc, dans le liquide. Chauffez le tout en
mélangeant au fouet. Quand le Brie est totalement fondu servez dans un bol.
Terminez avec un peu de nori froissé et une pointe de caviar. Servez chaud ou
froid.
Cheese cake au Brie de Meaux et son nappage à la betterave par Hisayuki Takeuchi
Pour 1 moule à manqué
Ingrédients :
- Pâte sucrée : 125 g de farine, 62,5 g de beurre, 62,5 g de sucre, 1 œufs
- Appareil : 250 g de Brie de Meaux, 125 g de sucre, 25 g de farine, 1 c.s. de fécule, 62,5 ml g de lait, 62,5 g de crème, 50 g de beurre, 2,5 ml de jus de yuzu, 3 oeufs
- Sirop de betterave : 1 dcl d’eau, 100 g de sucre, 100 g de betterave crue, 1 c.s. de jus de yuzu
Pâte sucrée : battez le beurre et le sucre dans un robot. Ajoutez les œufs un par un. À la fin, ajoutez la farine, battez encore légèrement, et pétrissez la pâte pour finir. Laissez reposer au moins une heure au frais.
Appareil : Versez le lait, la crème liquide et le beurre dans une casserole et chauffez doucement.
Pendant ce temps, mélangez au robot le Brie de Meaux, le sucre, la farine et la fécule. Une fois que l’ensemble forme une pâte homogène, versez-y le jus de yuzu tout doucement.
Cassez les œufs puis incorporez-les au fur et à mesure. Versez la préparation lait – crème - beurre encore chaud petit à petit, tout en faisant tourner le robot pour bien homogénéiser.
Sirop : Portez à ébullition l’eau, le sucre, le jus de yuzu et la betterave crue coupée en dés. Laissez chauffer jusqu’à obtention d’une texture sirupeuse. Réservez.
Abaissez la pâte à tarte de 2 à 3 millimètres d’épaisseur et installez-la dans le moule à manqué ; faites quelques trous avec la fourchette sur toute la surface.
Passez l’appareil au tamis. Versez l’appareil dans le moule à manqué. Faites cuire 40 minutes environ dans un four préchauffé à 190°.
Une fois le cheese cake légèrement refroidi, et avec un
pinceau, badigeonner de sirop. Servez.
Flamiche au Maroilles
Pour
4 personnes
Ingrédients : 1/2 Maroilles (380 g), 200 g de farine, 1 tasse à café de lait tiède, 2 oeufs, 10 g de levure de boulanger, 80 g de beurre, 1 pincée de sel
Délayer une pâte levée en mélangeant les deux oeufs à la farine. Ajouter le beurre fondu. Battre et ajouter la levure dans le lait tiède. Étendre la pâte dans une tourtière beurrée, laisser monter pendant une heure à température ambiante. Quand la pâte est levée, la garnir complètement de fines tranches de Maroilles. Mettre à four chaud.